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06/05/2019

Le numéro 59/60 de Diérèse, paru au printemps 2013 : Nicolas Dieterlé (1963-2000)

Co-dirigée par Isabelle Lévesque et Daniel Martinez, dans cette livraison de Diérèse le lecteur y découvrira des inédits de Nicolas Dieterlé, mais aussi des reproductions de son œuvre de plasticien, incluses dans son catalogue raisonné, paru quelques mois plus tard, aux éditions Libel.

Les poèmes qui suivent sont de la main de Jean-Claude Pirotte que j'avais sollicité pour rendre hommage à Nicolas (un autre "suicidé de la société"), JCP qui s'était plaint de n'avoir jamais reçu, malgré sa demande, de service de presse de l'éditeur de L'Aile pourpre (2004). Qu'importe après tout, je lui avais alors  expédié le nécessaire et voici en retour son envoi, venu du fond du cœur, des poèmes qui trouveront place pages 51 à 67  du n° 59/60 de Diérèse (ils ne seront pas repris en livre). J'en retiens en particulier ces vers : "maître de quoi mais de rien", superbe envolée de celui qui se savait condamné et qui, en des lettres déchirantes, me tenait au courant de sa maladie, reportez-vous à la catégorie du blog correspondante : "Jean-Claude Pirotte", vous comprendrez. Pour l'heure, voici :

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pour Nicolas Dieterlé


            de Nicolas Dieterlé
            je n'ai lu que quelques textes
            c'est le merle rédempteur
            qui m'a servi de prétexte


            et s'il parcourt les allées
            le matin quand le soleil
            est masqué par les nuages
            je le suis je tends l'oreille
            j'écoute le paysage


            mais toujours la mort nous traque
            et les sbires à matraque
            frappent le rêve des arbres
            en nous cherchant à la trace

 

*

            je trébuche à ton appel
            Nicolas je me rappelle
            que les oiseaux se sont tus
            un soir je ne sais pourquoi


            il n'y avait pas de battue
            ni de chasse dans les bois
            nous étions pris de silence
            et les arbres qui se penchent


            pleuraient par toutes leurs branches
            et pas un souffle de vent
            pas même un engoulevent
            pour ranimer la confiance

 

*

            je transforme les étoiles
            en quelques nœuds papillons
            la Grande Ourse porte un voile
            mais le nœud c'est pour Orion


            j'aime les constellations
            qui défient la raison
            je les regarde lancer
            des éclats dans le passé

            si je vis elles se meurent
            mais si je meurs elles vivent
            au ciel qui est leur demeure
            comme aussi leur livre d'heures

 

*

            Nicolas prenait la poudre
            d'escampette en son jeune âge
            il explorait le finage
            il recueillait les images


            il parcourait les parages
            il avait du grain à moudre
            en son moulin de lumière


            il traversait la rivière
            du temps et le chapelet
            des heures se déroulait


            tel cortège de galets
            ou bien cortège d'étoiles
            qui sont peintes sur la toile
            de la nuit ô Dieterlé

 

*

            je fais face à mon carnet
            et je pense à Nicolas
            et je pense à ces années
            où j'aurais pu le connaître


            il est né bien après moi
            déjà j'étais avocat
            alors qu'il venait de naître
            et les gens m'appelaient maître


            maître de quoi mais de rien
            bientôt j'ai cessé de l'être
            à l'époque où Nicolas
            se transportait au Bénin

            Nicolas était en quête
            de son enfance africaine
            et moi je n'étais en quête
            que d'argent pour la semaine

*

            aujourd'hui le ciel est clair
            mais tu n'attends pas demain
            en toi qui sait quel éclair
            de douleur fustige moins


            ton corps que ton âme il est
            peut-être temps de la mort
            tu te nommes Dieterlé
            tu voudrais n'être personne


            sinon cet oiseau chanteur
            qui peuplait de chant les heures
            de l'enfance dans un autre
            grand continent que le nôtre

 

*

            Nicolas je te confie
            ma peine tu ne m'entends
            qu'à travers l'ombre du temps
            à travers le sang des vies


            et le feu des dépressions
            qui nous enduisent de suie
            et nous privent de passion
            sinon celle de mourir

 

*

            tu es là tu me convies
            à partager avec toi
            le secret de l'outre-vie
            je t'écoute je te lis

            je te cherche sous mon toit
            fantôme aussi fraternel
            que mes poètes élus
            nous ne sommes toi et moi

            pas du tout des inconnus
            et tes livres sont des ailes
            d'oiseau-mouche ou d'hirondelles
            que j'ai vite reconnues


Saint-Léger, novembre 2012
Jean-Claude Pirotte

21:06 Publié dans Diérèse | Lien permanent | Commentaires (0)

05/05/2019

Les couvertures de Diérèse

C'est aussi la marque de fabrication de la revue ; conçues en dehors des modes du moment et des artistes "au programme", les couvertures sont le plus souvent figuratives et colorées à souhait, ce à partir du numéro 9. J'en extrais pour vous quelques-unes du catalogue, avec en esquisse le facteur Temps : soit la première de la quinzième livraison, une réalisation de Pacôme Yerma, comme pour les premières qui suivent, si je puis dire. Les quatrièmes de couverture sont le fait, dans l'ordre, de : Martin Schweizer, Corina Sbaffo, Daniel Abel.

Quant au contenu de Diérèse, je l'aime divers. Oui, la diérèse revient à décentrer les perspectives admises, pour laisser libre la parole à celles et ceux qui ont un message à faire passer et qu'il y ait de l'intérêt à le diffuser, assurément. Une rubrique "Cinéma" qui puise dans la poésie des images pour les restituer à l'écrit par exemple. Des récits aussi (Daniel Boulanger avait ces deux casquettes) pour franchir la pseudo-frontière de la prose. Elargir le cadre, donner à entendre la voix des poètes de par le monde procède de la même démarche. Amitiés partagées, DM

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00:49 Publié dans Diérèse | Lien permanent | Commentaires (0)

01/05/2019

Pierre Oster : deux pages corrigées de sa main pour Diérèse 48/49

La revue Diérèse et les éditions Les Deux-Siciles (allusion historique oblige) ne font qu'un, même si la revue, qui comptera début juin 76 numéros (soit 15 000 pages à son actif) a pris le pas sur les éditions, qui n'en comptent qu'une quarantaine (je suis incapable de vous donner le nombre exact des livres et recueils publiés et d'ailleurs, je n'y tiens pas vraiment, n'étant pas comptable, loin s'en faut). Sachez déjà que le premier titre de mes éditions voit les débuts de Christophe Manon avec "Les Treize empereurs", préfacé et illustré par Pacôme Yerma. Ma devise ? "Je laisse le fiel et vais vers les doux fruits" (Lascio lo fele e vo per dolci pomi). Le tout réalisé sans subventions, en somme les mains libres (désolé je ne suis pas banquier non plus).
Pour votre plaisir, voici pour aujourd'hui l'un des textes les plus marquants à mon sens parus dans la revue, d'autant plus émouvant à la relecture qu'il y eut entre nous quatre jeux d'épreuves, l'auteur, Pierre Oster, ajoutant à mesure à son dire. Ce concept de "parfait sensible" mériterait à lui seul un long développement, tant l'idée de perfection nous est consubstantiellement étrangère. Une sensibilité qui regarde en propre le poète, sur les chemins du monde. DM

 

 

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Miettes non-philosophiques

(5/2/10)


   Ne te confine pas dans l'illusion d'une maîtrise indécise. Déjà l'échec est avéré pour qui regarde un voile de poussière.

   Il est des plus injuste de m'imputer à crime mon indifférence à ce qui s'évanouit. Des plus injuste et des plus juste aussi bien.

   Un poète inconnu complètera l'ultime série des rimes ; et ce sera - en dehors de nous - le plérôme vers quoi l'esprit nous guide en exaltant l'idée d'un parfait sensible.

   De l'abrupt, ou de l'irrégulier, ou de l'infime. Invitation à une manière de constant retour à l'indéchiffrable.

   Je m'identifie, je m'intègre au principe courant de phrase en phrase ; au feu d'une métaphore initiale et vraie ; à quelque monosémie inaccomplie...

   L'abîme se trouve à portée du voyageur, mais non pas l'empire que dessine la configuration d'une seule feuille.

   Du vieil écheveau je tire un fil. Les choses cependant demeurent telles. Le drame dans sa simplicité perdurera.

 

   Ce qui brûle avec la joie ne la détermine pas. Elle est une puissance de liberté inspirée, de renouveau sans frein dans l'assujettissement.

   Aller d'un pôle à l'autre de la planète morale... Du langage au silence (en ce qu'il a de plénier). Du silence au langage (en son ampleur).

   Des cris, des plaintes, des mots longtemps murmurés nous incorporent par hasard à la terre. Nous les écoutons, nous leur échappons.

   Nos compagnonnages présentent un caractère d'improvisation parce que nous sommes à nous-même des limites obscures.

   Supplique reçue jusque dans les aspirations du vent. Quotidienne et changeante et subtile. A qui n'est-il loisible d'en aimer la loi ?

   Faire partie, avoir partie liée. Le céder de front à la multitude. N'ignorer rien de ce qui passe notre petitesse.

   L'âme comme réalisation ultime. Comme manifestation d'une ductilité souveraine. Comme amorce d'une fusion d'essence orphique, élément de base d'une philosophie du contact. 

 

Pierre Oster