"De la poésie", Charles Baudelaire
09/05/2014
Le texte reproduit ici est conforme à sa première parution, le 15 avril 1846 dans L'Esprit public :
"Quant à ceux qui se livrent ou se sont livrés avec succès à la poésie, je leur conseille de ne jamais l'abandonner. La poésie est un des arts qui rapportent le plus ; mais c'est une espèce de placement dont on ne touche que tard les intérêts, - en revanche très gros.
Je défie les envieux de me citer de bons vers qui aient ruiné un éditeur.
Au point de vue moral, la poésie établit une telle démarcation entre les esprits du premier ordre et ceux du second, que le public le plus bourgeois n'échappe pas à cette influence despotique. Je connais des gens qui ne lisent les feuilletons souvent médiocres de Théophile Gautier que parce qu'il a fait La Comédie de la Mort ; dans doute ils ne sentent pas toutes les grâces de cette oeuvre, mais ils savent qu'il est poète.
Quoi d'étonnant d'ailleurs, puisque tout homme bien portant peut se passer de manger pendant deux jours - de poésie, jamais ?
L'art qui satisfait le besoin le plus impérieux sera toujours le plus honoré."
Charles Baudelaire
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