"Sombre comme le temps" d'Emmanuel Moses
22/05/2014
Reçu par le courrier de ce jour : "Sombre comme le temps", des éditions Gallimard, le dernier livre paru d'Emmanuel Moses. Surtout, n'oubliez pas de vous reporter aux poèmes de qualité qu'il a confiés à Diérèse, d'abord dans le n°58, car 4 poèmes ont été ici repris - puis, dans le n° 62.
Dans l'anthologie de Jean Orizet : "Les aventures du regard, Des poètes et de la poésie", publiée en octobre 1999 par Jean-Pierre Huguet, on peut lire, à propos de l'auteur de "Comment trouver, comment chercher" : "... le lecteur est frappé par le ton singulier de cette poésie où le détachement le dispute à l'humour. Avec certains des poètes évoqués plus haut on pourrait croire qu'Emmanuel Moses fait sien ce mot d'un aîné – Cocteau ? – : "Je sais que la poésie est utile à quelque chose, mais je ne sais pas à quoi.".
Dans "Sombre comme le temps", c'est très attentivement que j'ai lu ce poème de la page 39, intitulé : Ce qu'est la poésie : "On m'a demandé d'expliquer ce qu'est la poésie / J'ai cherché dans les livres / J'ai cherché dans mon coeur battant /... Il m'est revenu à l'esprit une exaltation ressentie autrefois dans une forêt / Sur le flanc d'une puissante montagne / Cette exaltation n'était pourtant guère la poésie / J'ai allumé une cigarette / J'ai bu un peu d'arak de chez nous / Et alors que j'étais en train de renoncer à pouvoir expliquer la poésie / Le soleil de l'après-midi a touché un pan de mur / Un orchestre tzigane est passé dans la rue / Il a fait froid autour de moi à cause d'un courant d'air / Le téléphone muet depuis le matin a soudain sonné / Et tout cela était parfaitement la poésie".
... Tout est dit là, ou presque, du surgissement du poème, arbitraire par essence. Reviendrait-on, attentifs aux griffures de l'être, à l'idée que "La poésie fait mal" (Michel Deguy), quand en fait elle panserait les plaies infligées par le monde, comme au chant de la langue dans ce début de siècle barbare, il n'est jamais certes de fonction attitrée au poète pas plus qu'à la poésie, mais toujours, comme point de départ, une nécessité, façon pour moi de prendre le contrepied d'Alain Jouffroy. Ce médium n'est pas fait de matière, mais il est issu de la vie même, dans ses manifestations les plus anodines ; de tout ce qui l'environne, qui la visite, ici et là son enchantement.
Au vrai, le poète est celui qui sort du cadre, pour y convier le lecteur s'il se peut ; et redonner au temps compté la part qui lui échappe dans notre quotidien.
Daniel Martinez
Sombre comme le temps, poèmes, éditions Gallimard, 120 pages, 14,50 €
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