De Jean Baudrillard (1929-2007)...
23/05/2017
De Jean Baudrillard on retiendra la rafraîchissante lecture de "Le chat de faïence au lieu d'être en chair", édité au deuxième trimestre 2013 par les éditions sens&tonka. Un texte inédit, écrit en 1949, où les virevoltes langagières, les métamorphoses du fond et de la forme le disputent à une fièvre du déroutement qui parfois confine au cynisme, mais un cynisme de bon aloi, qui se garde de tout optimisme aveugle. On suit l'auteur tant bien que mâle dans sa redécouverte d'un monde qu'il renie par quelques côtés pour mieux goûter "le chemin du retour à l'envers, l'envers de la révélation d'une surface objective du monde, où ce ne sont plus les portes qui tournent mais l'espace qui fait demi-tour."
Dans cette sorte d'ivresse à rebours qu'il quête, "il n'y a que des pensées subites et des idées vagues qui s'élargissent à contre-jour et que le soleil fait rétrécir." Des échappées bukowskiennes, le primat de la subjectivité posé comme préalable et le constant désir de dépecer le monde des apparences, du prêt-à-porter intellectuel, car, en définitive : "tout ça n'est pas réel. pas cousu. ça n'est que faufilé." Mais comment reconstruire, se reconstruire donc, car, à la réflexion : "d'est en ouest alors il n'y a plus qu'une seule issue et / pas du tout. laquelle ?"
Revenir à l'instant, à l'instantané, à la (re)création pour la beauté du geste, ou pour la retourner, comme un gant. Avec des "éclairs de chaleur" dans un ciel où le jour se fait nuit et inversement : dans un illuminant, vacillant, épous-touflant "travelling pour l'imagination" où l'homme, pour solde de tout compte, fait retour à lui-même, en un "polymorphal imbroglio". Mais encore : "c'est comme si on soufflait dans un lobe creux. la cervelle est champagnisée par des kilomètres de papillon. le nerf optique est en algérie et je suis entouré par des phonèmes de la radio. moi ça me déshorrifie les méninges quand les maisons me dépassent. je cours droit devant moi. j'ai l'impression de reculer..." Métaphore, assurément ! E la nave va.
Daniel Martinez
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