René Char et le surréalisme
04/04/2018
Suite à des demandes d'éclaircissements sur la position de René Char dans le mouvement surréaliste, la parole est donnée à Gérard de Cortanze in "Le surréalisme", M.A. éditions, 1985 :
Le passage de René Char par le Surréalisme est de courte durée. De 1929 à 1934, il collabore au premier numéro de La Révolution surréaliste avec un court texte "Profession de foi du sujet" et au Surréalisme au service de la révolution – qui comptera 6 numéros (n°1 en juillet 1930, n°6 en décembre 1931) – le poète collabore au n° 1, 2, 3, 4, 6 & signera plusieurs déclarations collectives dont les tracts Paillasse ! et L'Age d'Or, et participe à deux enquêtes. Sa réponse à celle concernant l'amour est aussi concise qu'énigmatique : "Non, pas sur cette grande personne laborieuse que j'ai dépassée sans la reconnaître". Ses premiers livres*, "Arsenal" (1929), "Artine" (1930), "L'action de la justice est éteinte" (1931) sont publiés aux Éditions Surréalistes.
Poème manuscrit extrait de Seuls demeurent, Gallimard, 1945
Il s'éloigne du groupe en 1934 et publie la "Lettre à Benjamin Péret". On le retrouve à la villa Air-Bel avec Breton, Daumal, Arthur Adamov, au-delà de toute brouille. Réunis sous le titre "Le Marteau sans maître" (Corti, Paris, 1934), les poèmes de cette période montrent un Char proche d’Éluard et de Lautréamont. Et si le Surréalisme ne représenta qu'un moment de sa trajectoire poétique, on ne peut dire de cet écrivain de la solitude charnelle et de l'amour fulgurant qu'il est "devenu à la fois poète agricole et imitateur d'Héraclite, défenseur des garrigues menacées par le grand projet nucléaire de la cinquième République" (P. Audouin). Frère de Camus dans la Résistance, il reste indéfectiblement attaché à l'irréductible de l'automatisme, comme le prouvent "Fureur et mystère" (Gallimard, 1948) et "Recherche de la base et du Sommet" (Gallimard, 1955), mais ne retient du Surréalisme que ce qui peut servir au destin de sa propre poésie. "Le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir", écrit-il. Hautaine, étrangère à toute démagogie – "Je n'écrirai pas de poème d'acquiescement" – sa fureur poétique en fait un poète engagé vers la "réalité rugueuse" de la connaissance, de l'essentiel. "Enfonce-toi dans l'inconnu qui creuse. Oblige-toi à tournoyer."
Gérard de Cortanze
* en fait, le premier livre de René Char s'intitule : "Les Cloches sur le coeur", accompagné de dessins de Louis Serrières-Renous. Paris, éditions Le Rouge et le Noir, 1928. Signalons que l'édition a été en presque totalité détruite par l'auteur.
Est-il besoin de souligner ici que dans le volume de La Pléiade consacré à René Char manquent malheureusement "quelques" titres ? Pour mémoire, je citerai "Le visage nuptial", Paris, 1938, sans mention d'éditeur, plaquette in-8, tirée à 115 exemplaires. Ou encore "Quatre loquets à soulever", 1948 : "piquetures" sur mouchoir de Fanny Viollet, présenté sous carton entoilé. Hors commerce, ce joyau a été tiré à douze exemplaires numérotés et signés par l'artiste. En cela, René Char demeura fidèle à l'esprit surréaliste pour qui la quête du Beau, hors normes, se moque des "lois" du marché.
Par parenthèse, Diérèse a publié au fil de ses livraisons deux poèmes inédits de René Char...DM
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