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Né en 1948, Alberto Pidwell Tavares fut poète, peintre, traducteur, libraire, rédacteur littéraire. Après des études d'art à Lisbonne, il s'exile en Belgique pendant la guerre coloniale, pour regagner le Portugal en 1975, jusqu'à la fin de ses jours. Un recueil de son œuvre quasi complète, "O Medo" ("La Peur") a obtenu en 1988 le prix Pen Club portugais de poésie. Voici le poème qu'il écrivit – traduit par Jean-Pierre Léger - en hommage au lumineux Cézanne, in "La secrète vie des images", éditions L'Escampette, un an avant de nous quitter :
La Montagne Sainte-Victoire, 1885-1900
Sainte-Victoire après la mort de Cézanne
dans le plus lointain isolement de la mémoire
j’ai gardé précieusement l’ombre des basaltes
schistes lumineux fissures de granit fenêtres
près de sainte-victoire plus grise que jamais
je peignais sans cesse je peignais
dès l’aube jusqu’à ce que la nuit tombe
obligeant la main et la pensée à défaillir
¤
j’ai toujours travaillé l’obsessive lumière
mais la vieillesse m’a emprisonné dans le vertige
à un âge avancé
j’ai continué à peindre sur le motif
il me semblait faire de lents progrès
j’ai presque compris les plans superposés
d’un même objet sous la clarté d’aix
¤
c’était en 1906
monté sur un âne chargé de matériel
j’allais vers où le coupant mistral était passé
laissant à découvert l’implacable soleil
modulais terres pins nuages maisons corps
mais la mort n’a pas consenti à ce que j’exécute
les géométriques paysages soupçonnés et
avec moi s’est perdu le secret de cette pyramide
qu’est sainte-victoire vibrant
dans l’aveuglante luminosité de midi
Al Berto
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