Le plasticien Wolfgang Gäfgen, opus 1
17/06/2016
Du boulevard, près de la place d'Italie, on observe les stores blancs tendus qui marquent l'appartement. La porte poussée, les yeux doivent s'habituer à la lumière diffuse et secrète. On ne voit pas la rue. L'atelier et les pièces d'habitation sont mêlés. Sur le mur, à droite de l'entrée, Wolfgang Gäfgen a composé une étrange applique faite d'un fruit brésilien et d'un peigne africain. On peut imaginer un objet de rite inventé.
D'autres formes sont ainsi discrètement assemblées : un couple d'ustensiles de bois, un oeil dans une cuillère, tous deux en porcelaine. "Je les pose là, je ne sais pas pourquoi, , j'aime leurs formes et je les regarde." Excepté ces quelques éléments, la peinture est partout. La table est recouverte de cartes et de catalogues : au hasard ceux de Cucchi, de Clemente, de Raetz, de Pichler, de Joseph Beuys, mais aussi ceux de Manet, d'Egon Schiele ou des dessins japonais. Un peu plus loin, une pile brune est faite des livres de Freud. "J'observe des images, je lis des fragments. Je vis de manière très solitaire, mais je dialogue comme cela, dans le silence, par l'intermédiaire de mes dessins."
Le silence est partout : dans les oeuvres accrochées au mur, dans le salon où nous nous trouvons, mais aussi dans l'atelier à côté, qui, bien que peuplé de papiers, d'objets, d'esquisses, ne livre aucune évidence. Je remarque, au sol, les constructions singulières que compose Gäfgen pour ses dessins : une planche, un cercle de bois, de la boue remuée, des brindilles, des pierres, des formes de maisons entourées de toile. Cela ressemble à certaines "sculptures" d'art pauvre ou encore à quelques environnements d'inspiration archéologiques.
"J'ai souvent le désir de montrer ces assemblages tels quels. J'ai été sur le point de le faire mais j'ai toujours renoncé. Il n'y a pas assez de méditation. C'est trop matériel et ce que j'essaie de montrer est avant tout mental. Le dessin déréalise toute forme. Ce que vous voyez n'est pas ce que vous voyez. Ces maisons sont des maisons et n'en sont pas."
Gäfgen parle peu, il avoue que le seul sens clair qu'il voit à son travail est le silence, la "vie silencieuse" qui recouvre une série d'événements qu'il ne peut qualifier. "J'ai le sentiment de me servir de formes archaïques qui remontent peu à peu à la surface. Ces figures me sont énigmatiques. La seule chose que je sais, c'est que je détruis les dessins qui en disent trop, qui sont clos sur leur propre réalité. Un dessin a besoin d'être ouvert. C'est sans doute pour cela que j'éprouve une grande passion pour le travail de Twombly."
Olivier Kaeppelin
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