"Poèmes à voir", de Jean Tardieu, éd. Gallimard
06/08/2017
Pour Jean Tardieu, la poésie est un "tourbillon de virtualités" : ainsi la présence des acteurs donne à ses Poèmes à jouer une dimension plus riche, plus charnelle. Voulant aussi qu'on écoute ses textes comme de la musique, il leur a donné "tantôt la diversité des timbres d'un orchestre, tantôt l'austérité fondamentale de la grammaire".
Parfois, "cherchant à rivaliser" avec les peintures, il a voulu que se poèmes puissent être perçus d'un coup d’œil, dans un espace immédiatement visible et non dans le déroulement de la lecture.
Déjà à la fin de Margeries figuraient deux calligrammes. Les Poèmes à voir (une élégante plaquette tirée à 1 500 exemplaires numérotés) nous proposent douze textes : face à face, le fac-similé des calligrammes composés à la main par Jean Tardieu et leur transcription typographique. Pour plusieurs de ces textes, la comparaison avec leur version précédente (par exemple dans Comme ceci comme cela) montre comment le poème, recomposé après avoir été morcelé en fragments épars, tire de sa forme différente une nouvelle saveur, "tactile et ductile".
L'idée de cette poésie qui "sort de ses gonds" vient en partie des Calligrammes d'Apollinaire. "J'achetais alors, chez le libraire Simon Kra, rappelle Tardieu, la revue SIC, organe du mouvement cubiste. Sa leçon fracassante, semée dans la cervelle du lycéen de treize ans que j'étais alors (vers 1916), a germé beaucoup plus tard quand je me suis mis à composer des poèmes à voir plutôt qu'à lire".
Mais les douze Poèmes à voir, qui évoquent surtout des paysages, et notamment la lumière et les ombres de la Provence et de la Toscane, répondent aussi à une autre tentation : "J'envie les caractères idéographiques de la Chine et du Japon, qui peuvent allier la beauté plastique du coup de pinceau au sens et au son qui s'en dégagent. Ainsi un coup de gong répand ses ondes, qui vont au loin s'élargissant."
Monique Pétillon
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