Jean Malrieu
12/03/2015
Jean Malrieu, dans une lettre à Yvon le Men, écrivait : "La poésie, ce n’est pas une manière d’écrire, c’est une manière de vivre". Comme si l'une excluait l'autre ! Les deux s'apprivoisent mutuellement, peu à peu, à l'échelle de la vie du poète, celle d'un monde en réduction. Artiste celui qui sait demeurer en éveil, voilà une formulation à mon sens plus pertinente ; car ce que l'on nommera ensuite "l'essentiel" naît souvent de phénomènes incidents, qu'il faut saisir au passage, sous le flux brownien du réel. Les langues elles, sous leurs variantes constantes, travaillées de l'intérieur, ne vivent pas au sens premier du terme, ni jamais ne meurent tout à fait. Une langue dite "morte" continue d'être, hors le champ social certes.
Pour autant, avant la langue, n'y avait-il aucun sens ? Je ne le pense pas : car le sens préexiste à l'homme. L'histoire de l'humanité même pourrait être un combat permanent entre le sens et le non-sens, que j'assimile au retour à l'animal (voir la note blog sur Jacques Derrida, du 2/2/2015). Pourquoi y a-t-il aujourd'hui péril en la demeure ? Parce que le non-sens envahit notre champ/chant quotidien. "Nous entrons dans l'avenir à reculons", disait Paul Valéry. Rien de plus exact par les temps qui courent, où la pensée même, qui devrait être une perpétuelle renaissance, une fête pour l'esprit, est menacée dans son fond. Mais, en dépit de tout, de cet obscurantisme envahissant qui menace directement l'espèce humaine, il est, pour un certain nombre d'entre nous, vital de s'engager sur d'autres pistes, porteuses d'énergies, à la recherche d'un monde respirable, vraiment. DM
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