Tout compte fait - I
27/06/2015
On se souvient du monde, de la terre qui nous a portés. Ce ne sont pas que des mots, pour l'exilé que je suis, né en d'autres contrées, au petit hasard de ce que la vie a su réserver à chacun. On se souvient d'abord, peut-être, de ce que l'on n'a pas été, dans l'équilibre précaire créé entre le relatif et l'absolu de nos aspirations...
De tout ce qui a tardé à se réaliser, à la frontière du possible et de l'impossible, avant d'être, simplement. L'apprentissage de la vie fut des plus rudes, tiraillé entre la circulation des choses et les contractions du coeur ; résistant tant bien que mal à un effritement de l'intérieur qui menaçait de m'emporter tout entier. Pour découvrir enfin ce qu'en creux il me restait, me développer, croître au coeur du monde, y être reconnu en somme.
On ne se définit d'abord que par l'espace qui nous est laissé, Rose cardinale. Cet espace étant des plus limités, j'ai choisi de me défaire, pas à pas, de toutes certitudes. Et de voyager de l'intérieur, dans la contre-lumière d'une existence que reflèterait son ombre : au point de rencontre du dedans et du dehors, au lieu de conjonction du réel et de ses anamorphoses désirantes.
On se souvient de ce qui fut notre univers, jusqu'à l'aimer, dans un abandon enfantin et idéal. Des plis et des replis de la matière, de la sylve où nos pulsions opèrent, creusent leurs galeries ; où progressent les spirales ascendantes de nos vies ; où le moi se bâtit, en silence.
Daniel Martinez
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