Eugène Savitzkaya
02/10/2018
Mais encore : un poème étonnant, images et sons, de cet auteur belge né en 1955, voici :
AIGLE ET POISSON
En l'air, sur saturne, sur les images neuf fois,
sur la bouche, sur le ventre, sur le feu levé,
il cracha comme le jet d'eau, poivre, écailles
et pollen, le jus avalé, le premier pépin explosé
brûlant les truies et colorant les saumons, sale,
soufré, gonflé et vide, cracha sur le toit, cils
chargés de couleur noire, cul taché buvant le
miel de la lumière de l'eau, et main sainte dans
la poche sacrée, tiède, aspergé, toujours vaincu,
paumes et seins plats, vieilli, flétri, mort
avec moi, avec les ombres du tilleul, à la tête
de cuivre, menthe, fleur coulant disparue, trou
dans la rivière et dans le mur de briques, à
travers la maison et sur le ciel, sur le pélican,
les tuyaux transparents, le cœur d'angélique,
la roue mélangeant le lac, les oreilles et les
sabots du monstre, le mouton rouge, le nuage du
soleil piqué et tombé, le plat de noix et de
cervelles à l'intérieur du grenier et l'escarpolette
du tailleur, par-dessus le bulbe de pierre et
d'excrément bleu, crachat de l'ange fouetté,
chiure de frayeur, semence de mouette ou d'aigle
chasseur, fontaine blanche et généreuse, tremble,
troène et saule, chaux éteinte sur les feuilles
et les os, éclaboussant de perles, de cristaux,
de poudre, poudrant la toison, secouant chaque
rameau de l'arbre à peinture, sauteur bondissant,
ressort, langue habile sur l'or et sur l'argent,
vis sans fin dans la porteuse de mercure et dans
le marin masqué, entre les roues, entre les lèvres,
entre les sœurs, et cracha, cracha jusqu'au sang,
jusqu'à la bile.
Eugène Savitzkaya
Les commentaires sont fermés.