"Extérieur nuit" de Jacques Bral
28/09/2016
On est en 1978. Amer anniversaire : dix ans après mai 68, il ne reste plus grand chose, sinon un sentiment de vague à l’âme. À l’élan collectif succède la dérive en solitaire. Jacques Bral filme dans la capitale la balade de trois orphelins. Léo (Gérard Lanvin), beau mec ombrageux qui joue du sax, s’incruste chez Bony (André Dussollier), un vieux pote rêveur qui écrit sans écrire. Les deux se sont connus sur les barricades. Maintenant, ils glandent, picolent pas mal. Sur leur chemin, ils croisent Cora (Christine Boisson), jeune chauffeur de taxi, amazone insaisissable qui braque parfois ses clients. Son utopie à elle, c’est l’Argentine, qu’elle voudrait rejoindre.
Un ton libre, une musique bluesy-jazzy mâtinée de tango, une atmosphère nébuleuse : voilà ce qui fit le prix d’Extérieur nuit, lors de sa sortie en 1980, où l’on attendait un nouveau souffle de cinéma. Jacques Bral, grand sentimental, auteur secret (Polar, Un printemps à Paris), mettait du baume au cœur des cinéphiles avec ce film pourtant traversé par le froid de l’hiver. Aujourd’hui, ses dialogues en suspens et ses dérobades incessantes paraissent un peu forcés. Mais on aime toujours sa vision de la nuit. Bral montre un Paris différent, tantôt chaleureux, tantôt fantomatique, du côté des 19e et 20e arrondissements. De la piaule aux troquets fréquentés par les immigrés, des boulevards de ceinture mouillés à une cave de château, le film furète. André Dussollier y cultive avec brio l’art du décalage, tandis que Gérard Lanvin séduit à l’instinct. Et puis il y a la révélation Christine Boisson, garçonne sexy, démarche d’effrontée, et un atout unique : cette tache mystérieuse tout près de la pupille droite.
Jacques Morice
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