Jean-Michel Maulpoix "Du Lyrisme", José Corti éd., 448 p. Première partie
14/10/2017
Le lyrisme comme quête de l’altérité
Dénoncé par la plupart des avant-gardes du XXe siècle (à l’exception notable du surréalisme), le lyrisme pourtant fait retour, avec insistance, et plus encore dans la prose que dans la poésie. Mais si tout le monde a une vague idée de ce que recouvre le mot lyrisme, personne n’est capable d’en donner un début de définition. Susceptible de caractériser le pire comme le meilleur, il méritait bien qu’enfin on tente de prendre ses mesures. C’est ce qu’a fait Jean-Michel Maulpoix, qui livre l’aboutissement de vingt ans de recherches, dégageant un précieux outil critique du fatras des stéréotypes qui encombrent la notion de lyrisme.
Bernard Leclair : Le volume que vous publiez aujourd’hui est issu d’un essai que vous avez publié en 1989, La Voix d’Orphée. Quelles sont les principales modifications ?
Jean-Michel Maulpoix : La Voix d’Orphée provenait pour l’essentiel d’une thèse soutenue en 1987 sur Le lyrisme, définitions et modalités, 1829-1913. L’ouvrage est repris intégralement : je me suis contenté d’atténuer ou préciser certains éléments que je trouvais trop approximatifs ou naïfs, mais l’essai ainsi retravaillé a doublé de volume. J’ai ajouté plusieurs chapitres, en particulier le premier, "Incertitudes d’un néologisme" qui retrace l’histoire du néologisme depuis sa première occurrence connue, en 1829, et j’ai apporté de nouveaux éléments issus de travaux récents, ainsi du "Crépuscule de Baudelaire", ou du chapitre sur l’inspiration. Puisque la notion de lyrisme revient souvent dans les débats depuis quelques années, et se trouve parfois violemment critiquée, j’ai voulu la doter de plus de substance, donner des exemples (Rimbaud, Valéry, Claudel, Saint-John Perse), ou proposer une histoire de l’ode et de l’élégie, plutôt qu’entrer dans la polémique, ou tenter de caractériser ce que serait un lyrisme contemporain.
Bernard Leclair : N’y a-t-il pas un paradoxe à vouloir lester d’un travail d’érudition une notion aussi fuyante et aérienne ?
Jean-Michel Maulpoix : Le combat est perdu d’avance. Mais c’est par sa volatilité même que la notion m’intéresse : en tant qu’elle met en cause la possibilité de théoriser. Elle interroge l’émergence même du poétique, elle en souligne et aggrave les tensions internes. Cela dit, tout geste critique est aussi une façon de se mettre soi-même en observation. J’ai avec le lyrisme de vieux comptes à régler : affaire de tempérament, d’histoire personnelle, de génération peut-être… Cette notion, je l’ai adoptée très tôt, le jour où un de mes professeurs de khâgne a cité la phrase de Valéry ; "le lyrisme est le développement d’une exclamation". Voilà le genre de chose lyrique qui arrive à vingt ans : à partir d’un propos, être tenté de redéfinir toute la littérature ! Et je me souviens qu’à l’époque je superposais volontiers cette citation de Valéry au mot de Camus définissant l’art comme "une exigence d’absolu mise en forme".
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