"Que représente la poésie pour vous, Jean-Pierre Colombi ?"
15/06/2019
Chacun se voit s’éloigner de soi plus vite qu’il n’a les moyens de le dire. Voilà pourquoi je me suis proposé d’écrire des poèmes. Je voulais produire par l’effet des mots à la fois la substance d’un apaisement et le modèle d’une action. Il me semblait que nous n’étions jamais si loin que ça d’une vie moins dérisoire. Cette vie, je ne l’imaginais pas sans imperfections mais je croyais que nous pouvions ne pas lui en ajouter d’autres par notre aveuglement.
Dans un poème, les mots montrent d’une part exactement ce qu’ils disent et de l’autre tout ce qu’ils peuvent dire. Je pensais que, dans le déploiement de cette sorte de polarisation, l’esprit trouvait sa première liberté en même temps que l’image formelle des mondes viables. Je le crois toujours.
Je crois que c’est de là que l’esprit tient ce qu’il est. Par presque rien. Quelques lignes lues en silence ou apprises puis récitées. Ce qui se perpétue alors se transmet, et ce sont là des signes de re-connaissance.
Jean-Pierre Colombi
Un peu de beauté pure
entre le mur et moi
pendant que je le longe
et tout me semble clair
quand je l'ai reconnue
On dirait une odeur
où la pensée se perd
et laisse dans le vide
Peut-être si le cœur
ou ce qu'on nomme ainsi
brûlait entièrement
au moment de s'éteindre
il aurait la couleur
blanche de ce parfum
de tout sur ma mémoire
où elle s'est perdue
Jean-Pierre Colombi
Allégories de l'automne et des autres saisons,
éditions Gallimard, 15 avril 1985
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