"Minimes" de Jean Rousselot, éditions Les Deux-Siciles
06/07/2019
Ce sont ici les premières "Minimes" publiées par Jean Rousselot dans Diérèse, avant qu'elles le soient en livre, aux Deux-Siciles :
Tenir le pas gagné coûte si cher qu'on recule vers un désespoir dont, au fond, on ne sait rien.
C'est de chagrin en chagrin que je me suis gravi.
Même l'huître a un cerveau. Qui sait s'il n'est pas plus raisonnable que le nôtre.
Le désert gagne de plus en plus de terrain sur la terre. Seul espoir : qu'il n'en aille pas de même en nous.
Pas de fourberies dont la science ne soit capable.
Je voudrais bien renaître en un monde qui s'apprête à mourir.
Je me satisferais de revivre au temps des gabarres, des feux de camp, des nids de poule sur des routes blanches.
Cette grève illimitée, la mort.
Fourrer de l'esprit dans les choses, c'est risquer d'en devenir une soi-même avant terme.
Je me crois plus d'instinct que d'intelligence.
Heureux temps où l'on pouvait acheter des indulgences.
Un vieux soulier pouvait servir de frein aux pataches de nos rouliers et de nos rois.
Les rails qui finiront bien par se rejoindre derrière l'invisible horizon nous donnent une idée de l'espérance.
Le langage ne serait-il que la clôture sérieuse dont le cultivateur entoure ses terres ?
Ce sont parfois les mots qui pensent à ma place.
Les athées vertueux adorent la vertu sans savoir comment la définir.
Ma jeunesse aurait duré plus longtemps si je m'étais fait moins souvent les griffes sur elle.
Alors qu'en moi je vais de surprise en surprise, rien ne m'étonne où que j'aille : singes dans la neige, tombeau de la Chrétienne en plein désert, oliviers centenaires arrachés pour cultiver des légumes.
De tout ce que j'ai fait que reste-t-il ? A peine quelques bûches dans le boissier, un peu de lait caillé dans un bol. J'aurais au moins voulu quelques tisons, l'amour d'un chat.
Dans la nuit des temps clignotait une utopie, l'homme.
Jean Rousselot
Les commentaires sont fermés.