"Passage du poète", Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947), éd. L'Age d'Homme, 29 mars 1990
29/08/2019
Assurément, le livre le plus abouti de cet auteur suisse d'expression française, qui défie les modernités, les modèles intégrés et jubile de ce qui n'a d'autre raison que l'obstination d'être, sans paraître ni complaisance. Une poésie terrienne, irriguée par une joie de vivre non pour détruire (son environnement, comme aujourd'hui ; ou rendre au monde son tablier, son devenir et sa destinée tout à la fois ; ou se défaire du concret en ignorant l'être, en le vidant de son histoire, comme aujourd'hui plus que jamais) mais pour construire et célébrer, pour se grandir à mesure sans écraser, patiemment, gravement, voluptueusement :
"Étant fait à la ressemblance du mont, mais faisant à son tour le mont à sa ressemblance, caressant le mont de la main, avec des mouvements de la main arrondis d'où il semble que la forme naît, comme quand on caresse une femme et la caresse la refait. Et là est le travail des hommes et ce qui en sort grâce aux hommes : la belle vigne, et rien que de la vigne, les milliers de milliers de souches bien alignées, mises partout où on a pu, mises en rangées ; taillées, nettoyées, ébourgeonnées, fumées et d'où à présent le sarment neuf commence à sortir aux cornes par deux jets couleur de miel, à petites feuilles transparentes encore, mais déjà leur couleur est partout pour une promesse, sortant à chaque instant un peu plus sous le grand soleil..."
Charles-Ferdinand Ramuz
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