"Requêtes", de Pierre Oster Soussouev, éditions Fata Morgana, 6 octobre 1977
13/10/2019
Le langage est comme en amont de notre commencement. Souche et surgeons, il multiplie aussi les virtualités qui nous donnent d'exister aujourd'hui.
Nos choix demeurent symboliques : la totalité à jamais nous féconde, elle se reflète dans nos actes. Nous avons affaire avec elle.
Écrivant, je cherche d'abord le point d'application de paroles qui ne m'appartiennent qu'à demi.
Au milieu de mots comme frappés de nullité... En l'un d'eux la plénitude se répète. Voici que notre mutisme partiel touche à sa fin à notre insu.
Par le vers et par la page, par notre aptitude à ranger dans un ordre personnel des mots quelconques, nous obtenons une manière de connaissance qui nous permet d'excéder notre inanité particulière, de nous déplacer d'un pas. Nous acquérons le pouvoir de nous confondre à la nécessité qui gouverne les images.
Toute la littérature pour répondre à une modeste question. Toute la littérature pour garder l'espoir d'enregistrer un gain.
Puisons dans la langue avec audace. Puisons sans trêve à la source afin qu'elle qu'elle soit intarissable. La langue se dessèche, elle meurt avec les avares. La prodigalité comme vertu.
La poésie est un éloge de ce qui se change. Elle est comme un rapport à la nudité énigmatique du nouveau. Elle est le chant des formes qui se transmuent sous notre regard grâce à notre fidélité.
Rien que le pouvoir de consentir. Rien que cette force-là. Et je me plierai à davantage de choses à mesure que j'aurai affronté une plus grande étendue de langage.
Un pragmatisme tranquille, violent, préside au travail du poète. Son travail est une action qui perdure dans le rapport du vrai au simple. Et le meilleur poème enfin est une action réussie.
L'univers tel une volute unique, voilà ce que je vois. Et voilà qui m'interdit de rétracter aucune des formules que j'oppose aux chevaliers de l'effacement du sens, de la chute des mots dans le néant.
Une veille poétique et intellectuelle, une suite concertée de gestes parfois souverains qui me conduiraient à une disparition parfaite... Ne pas cesser de me perdre d'une façon singulière et singulièrement sensuelle au milieu de ce qui est.
Pierre Oster Soussouev
a participé à Diérèse 48/49
printemps-été 2010 (pp 137 à 149)
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