Jacques Lucchesi, avec "Mathilde et Clotilde" sera des nôtres in Diérèse 78
08/02/2020
Mathilde et Clotilde
Clotilde – c’était son prénom – était bien plus que la sœur de Mathilde : c’était sa sœur jumelle. De vraies jumelles homozygotes nées le même jour à deux heures d’intervalle ; Clotilde étant la première à être venue au monde, alors que j’avais toujours cru jusque là qu’elle était la sœur cadette de Mathilde. Si, de prime abord, les deux sœurs se ressemblaient indiscutablement – même couleur de cheveux, même peau mate, même ovale -, d’autres détails de leur physionomie les distinguaient tout aussi sûrement. Clotilde était légèrement moins grande que Mathilde, d’une constitution plus fine aussi. Son nez était plus effilé et ses jambes moins musculeuses, sans doute parce qu’elle faisait moins de sport que Mathilde. Elle ne portait pas de lunettes - ce qui laissait facilement entrevoir l’éclat de ses yeux couleur noisette – et souriait plus spontanément que sa sœur. Avec la dentition blanche et régulière qu’elle possédait, elle aurait d’ailleurs eu bien tort de s’en priver. Une autre différence résidait dans leurs voix. Si celle de Mathilde était pondérée avec des intonations tendant vers le grave, celle de Clotilde était plus rapide et plus flutée, avec une tendance à monter dans les aigus. Et toutes les trois ou quatre phrases, elle étayait ses propos par un léger rire enfantin. Sa façon d’être, enjouée et séductrice, agaçait visiblement Mathilde. Et elle ne se privait pas, malgré sa charité chrétienne, de lui rappeler qu’elle avait arrêté sa scolarité au baccalauréat pour vivre depuis de travaux de secrétariat. Clotilde n’était pourtant pas inculte, loin de là. Mais ses goûts la portaient vers des romans psychologiques et sentimentaux, aux antipodes des ouvrages d’érudition qui constituaient les lectures quotidiennes de Mathilde.
Côté cœur, Clotilde avait eu, contrairement à Mathilde, une vie plutôt mouvementée. ...
Jacques Lucchesi
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