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De l'océan, il apprit la musique. Le vent lui apporta les paroles. Son propre souffle lui dictant la cadence, il se mit à danser à l'intérieur du centre. Tandis qu'il tournait dans un sens, le monde tournait dans l'autre et quand la terre, plus ancienne, s'essoufflait, il tournait pour elle, tant et si bien que le printemps revenait chaque fois à la même place. Il dansait ainsi au plus étroit dans le cœur des choses et le ciel était en lui, sans commencement ni fin. On ne sait pas pourquoi il trébucha. On se rappelle seulement à travers les légendes que cette fois-là le printemps prit du retard sur sa propre marche et que lui perdit son ciel dans un arrachement qui le jeta en dehors du cercle.
Maintenant, un peu hagard, il marche sur les routes, dans une lumière assombrie. Il écoute l'océan, mais ne reconnaît plus la musique. Le vent a oublié les paroles. Quand il cherche une étoile, il doit lever les yeux vers des lointains inaccessibles. On respire pour lui dans sa poitrine. Mais, confondu avec le chemin, il continue de danser, sans savoir de qui il est la trace.
La falaise affronte la mer et le vent, ce corps à corps dans la crique. Le rocher attend la marée. Les mouettes guettent dans l'eau leur image voilée. Dans l'indifférence du ciel, les nuages sont des sentiments. Le couchant, cette tragédie, vient à l'heure dite. L'infini rumine sa peur d'être immense dans un îlot lointain. Le voyage est à sa place parmi les possibles, ces dépliants métaphysiques. Le vague a aussi sa symphonie, composée de notes distinctes. Devenue vieille tout à coup, la vie brade ses couloirs. Lui, il est l'interprète. Ah, si seulement il connaissait la langue.
Alain Roussel
Dernière publication :
La Vie secrète des mots et des choses, Maurice Nadeau, 2019
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