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Comme j'aime, chez Max Ernst, son Jardin Gobe-Avions (1935), exposé au Musée National d'Art Moderne, ses chimères et fleurs carnivores, parce qu'il me rappelle mes frayeurs enfantines lorsque d'aventure je montais sur la terrasse carrée, la toiture du pavillon que ma famille et moi louions, sur l'île de Djerba ! Le soir venu, l'été de préférence, des scorpions en nombre venaient retrouver la fraîcheur au pied d'un canal (frontière de la demeure) qui menait à un puits artésien. Il ne valait mieux pas les contrarier, ces arachnides, dans leur avancée, car leur piqûre était réputée mortelle.
Refuge superbe pour parer l'Enfer que du haut de ma solitude foncière je m'imaginais ainsi représenté. Pourtant les couleurs venaient à glisser dans le couchant. Pourtant le baluchon de lin qui enveloppait mes derniers trésors continuaient d'emmagasiner la chaleur ambiante de la journée écoulée. Pourtant l'écho feutré de quelques personnes bavardant dans la rue, sous leurs sombres vêtements violets et bleus, ne laissait pas de me parvenir, délicieusement.
Car le monde demeurait pour moi, passé le crépi rose de la façade, une gigantesque mise en scène, où l'impression d'exil était forte, si forte que je finissais par en perdre mes marques et devais descendre sans plus tarder jusqu'au sol pour retrouver le lourd cerne noir qui s'y dessinait et progressait à mesure, inexorablement. La nuit était là, sombre et majestueuse, étagée, tendue vers le vide, vers l'espace d'un autre silence.
... Il n'y avait pas, dans ces contrées, de mouches-scorpions (en France et en Europe représentantes de Panorpa germanica). Mais aujourd'hui ces créatures hybrides, carnivores ou nécrophages - inoffensives pour l'homme - alimentent l'irrépressible envie de tenir à distance la simple raison raisonnante et de laisser travailler la nature, dans ses excès, dans ses facultés d'invention que nous observons de plus en plus loin et souvent sans les respecter assez, avec l'immersion lente dans l'âge adulte, en cryptant comme il se peut nos émotions d'antan. Sans vouloir ni pouvoir en effacer la trace. Daniel Martinez
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