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Il lamento della dormiente
I lamenti notturni nella "città patetica" assumono una tristezza lacerante. Passando per la strada dove le case (forse in questa sembra proprio d'essere a Bruges) rigide, tetre si stringono l'un l'altra, da una bassa finestra con una tenda bianca che si agita appena misteriosamente, tu senti l'anelito di una dormente che ti trafigge l'animo come l'urlo della tua coscienza offesa. Poi tregua, e la notte sembra ammantarsi di gravità e di mistero. E di nuovo alterne voci di galli o capponi centenari bianchi e catarrosi come senatori antichi nei pollai, vanto delle Signore Caterine e Mariucce.
* * *
Le gémissement de la dormeuse
Les gémissements nocturnes, dans la "cité pathétique", sont chargés d'une tristesse déchirante. En passant dans une rue (celle-là peut-être où l'impression d'être à Bruges est plus forte) que bordent en rangs pressés des maisons sévères et sinistres, d'une fenêtre basse dont remue un peu étrangement le rideau blanc, tu entends haleter un souffle de dormeuse par lequel ton âme est navrée comme par la voix de ta conscience en courroux. Trêve ensuite, et la nuit semble se draper de gravité et de mystère. Et puis voilà des cris alternés de coqs et de chapons centenaires, catarrheux et blancs comme d'antiques sénateurs de poulaillers, orgueil de dames Caterina et Mariuccia.
Filippo de Pisis
traduit par André Pieyre de Mandiargues
Luigi Filippo Tibertelli de Pisis, né à Ferrare en 1896, est mort à Milan en 1956. A la fois poète et peintre à la mélancolie crépusculaire, il rencontre De Chirico, Savinio et Carrà en 1916. En 1923, à Assise, il approfondit l’œuvre de Giotto. Dandy et bohème, c'est en 1925 que De Pisis s'installe à Paris pour y demeurer jusqu'en 1939. Son œuvre picturale, reconnue en Italie, n'a pas été exposée en France depuis les années cinquante.
D'une œuvre écrite foisonnante, peu ou prou introuvable, on extraira son roman à caractère autobiographique, publié post mortem : Le memorie del marchesino pittore, inscrit précisément dans les limites chronologiques du séjour parisien. Cet ouvrage est inachevé, à l'image de bien d'autres textes esquissés par l'écrivain, nés au fil de l'eau (dont "Faim", ici exhumé), par un auteur qui pensait que sa poésie le rendrait célèbre alors qu'il le fut en son pays comme peintre.
Des milliers de pages (poésies ou proses, journaux intimes, innombrables lettres) demeurent inédites et seuls quelques spécialistes (comme ses deux biographes, Nico Naldini et Sandro Zanotto) y ont accès.
Sa bibliographie en français :
. La petite bassaride, éditions de L'Herne, 17/5/1972, traduit par André Pieyre de Mandiargues
. Onze plus un poèmes, éditions Fata Morgana, janvier 1983, traduit par André Pieyre de Mandiargues
. Luigi B., éditions du Rocher, février 1995, traduit par Sibylle Tibertelli (un roman de jeunesse)
. Choix de poèmes, éditions Conférence, 12/7/2010, traduit par Franck Merger
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