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Ma déesse
Laquelle doit-on désirer le plus entre toutes les filles du ciel ? Je laisse à chacun son opinion ; mais je préférerai, moi, cette fille chérie de Dieu, éternellement mobile et toujours nouvelle, l'Imagination.
Car il l'a douée de tous les caprices joyeux qu'il s'était réservés à lui seul, et la folle déesse fait aussi ses délices.
Soit qu'elle aille, couronnée de roses, un spectre de lis à la main, errer dans les plaines fleuries, commander aux papillons, et, comme l'abeille, s'abreuver de rosée dans le calice des fleurs ;
Soit qu'elle aille, toute échevelée et le regard sombre, s'agiter dans les vents à l'entour des rochers, puis se montrer aux hommes teinte des couleurs du matin et du soir, changeante comme les regards de la lune ;
Remercions tous notre père du ciel, qui nous donna pour compagne, à nous pauvres humains, cette belle, cette impérissable amie !
Car il l'a unie à nous seuls par des nœuds divins, et lui a ordonné d'être notre épouse fidèle dans la joie comme dans la peine, et de ne nous quitter jamais.
Toutes les autres misérables espèces qui habitent cette terre vivante et féconde errent au hasard, cherchant leur nourriture au travers des plaisirs grossiers et des douleurs amères d'une existence bornée, et courbées sans cesse sous le joug du besoin.
Mais, nous, il nous a accordé sa fille bien-aimée; réjouissons-nous ! et traitons-la comme une maîtresse chérie; qu'elle occupe la place de la dame de la maison.
Et que la sagesse, cette vieille marâtre, se garde bien de l'offenser.
Je connais sa sœur aussi : moins jeune, plus posée, elle est ma paisible amie. Oh ! puisse-t-elle ne jamais me quitter avant que ma vie s'éteigne, celle qui fit si longtemps mon bonheur et ma consolation : l'Espérance !
Johann Wolfgang von Gœthe
traduit par Gérard de Nerval
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