"Dites-moi à quelle heure..." de Jean Chatard
22/04/2014
Qui sait que le meilleur à mon sens de Jean Chatard (né le 12 février 1934 en Gironde) peut se lire dans son recueil publié en avril 2010 aux éditions Airelles (RL), sises à Ronchin, une petite ville du Nord, de vingt mille âmes environ ? Ce que l’on n’ignore pas, c’est qu’il a fondé les revues Le Puits de l’Ermite et Soleil des loups, il est aussi un fidèle de Diérèse. En 2009, le regretté Michel-François Lavaur lui a consacré un numéro spécial de sa revue, Traces, qui a traversé vaillamment la seconde moitié du vingtième, sans autre subvention que le tarif presse pour les frais de port (cherchez l’erreur !).
Le titre complet de son recueil : « Dites-moi à quelle heure… suivi de Les comètes s’en vont », orné d’un dessin de Claudine Goux. Précisons qu’une première version de ce long poème fut publiée dans la revue de Jean-Claude Tardif, A l’index. Se souvenir aussi que la dernière phrase de la lettre du 9 novembre 1881, à la veille de sa mort, dictée par Arthur Rimbaud à sa sœur est : « Dites-moi à quelle heure je dois être embarqué à bord… ». Jean, entré à l’Ecole des Pupilles de la Marine en 1949, la quitte à l’âge de 22 ans, après avoir beaucoup voyagé.
« J’accompagnais ton pouls jusqu’aux / instants lovés / dans cette main de feu / qui nous servait d’urgence et parfois de linceul // La peau connaissait l’heure indue/ de nos matins froissés // (Puisqu’il est vrai que nous mourrons dès que / le delta saignera permettez au souffleur de / n’être qu’un silence de / n’ourler que l’obscur) »
Ourler l’obscur : tout est là, j’entends que son ancêtre spirituel partagerait s’il était possible cette expression… à la limite du monde lorsque tourne la meule des pensées et que la ciellée rit aux anges avec le vent tirant le crépuscule jusqu’à plus soif.
« Je parle d’hier et d’aujourd’hui je parle / de demain mais personne ne sait décrypter / la sente des blondeurs et celle des terreurs // C’est le bout du chemin c’est la belle / aventure du temps le chercheur d’or / qui noue ses fleurs d’acier qui / chante les nuages »
Chanter les nuages : qu’il voyage ou marche dans la campagne, qu’un morceau de la voile se déchire ou que rutile la coque comme un bois précieux, qu’il n’ait « pour alibi de n’être qu’un enfant » ou que « le plaisir décortique la nuit », le poète n’est jamais parvenu (ne parviendra jamais) à se débarrasser de l’impression que c’est très précisément là, au-delà de la limite qu’il vient de se fixer pour le retour, que quelque chose, peut-être, l’attend.
Sa dédicace : « Pour…, cette nouvelle « Invitation au voyage », avec le secret espoir de partager avec Rimbaud son rêve éveillé » Comment demander compte au Soleil des couleurs qu’il produit ou de celles qu’il offusque ?
Daniel Martinez
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