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Après Robert Desnos*, évoquant l'auteur de "L'ombilic des limbes", ce qu'en a dit Christian Bobin :
"Les enfants usent sans compter de cette force taciturne dont parle très bien Antonin Artaud : "La pensée avec laquelle les écrivains agissent n'agit pas seulement par les mots écrits mais occultement avant et après l'écrit parce que cette pensée est une force qui est dans l'air et dans l'espace en tous temps" (lettre de Rodez, 21 février 1944).
Je ne fais pas d'Artaud un contemplatif. Je ne dis pas qu'Artaud pût croire en Dieu. On ne demande pas à un enfant de deux ans s'il croit en Dieu. Il n'y a pas à croire : il y est, il est à même le cœur fauve de la vie, à même les aurores éternelles de l'esprit. Je dis seulement que ces phrases sont là dans ses livres, par centaines, avec leurs contraires toujours cités. Je dis qu'il faudrait aussi citer celles-là qui, cherchant dans le monde quelque chose à adorer et n'y trouvant rien, ont une beauté et une puissance immédiatement insurrectionnelle, vivifiantes. Les livres d'Artaud ouvrent à l'intelligence des océans, balayés par des rafales d'amour fou de l'amour, tourmentés par tous les vents du merveilleux. "Si nous savions adorer, nous traverserions le monde avec la tranquillité d'un grand fleuve." Cette phrase n'est pas d'Artaud mais de François d'Assise, autre dément célèbre. La voix d'Artaud est celle d'un fleuve empêché, contrarié, allant quand même, un grand fleuve de lave rouge emportant tout dans son grondement - un miracle de lumière et d'enfance."
Christian Bobin
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