Adrienne Monnier et La Maison des amis des livres
09/05/2016
Femme à part dans le monde des lettres, je vous ai déjà présenté Adrienne Monnier (1892-1955), sans vous parler toutefois de sa célèbre revue Le Navire d’argent. Sachez déjà qu’elle ouvrit sa librairie de la rue de l’Odéon en 1915, il était possible d’y emprunter des volumes. Elle y organisa des lectures : le lieu fut bientôt fréquenté par des habitués tels qu’Apollinaire, Aragon, Breton, Cendrars, Léautaud, etc… C’est chez elle que Jean Paulhan trouva la revue Dada et qu’ainsi André Breton et Aragon eurent connaissance de ce mouvement d’avant-garde. Grâce à Sylvia Beach, Adrienne Monnier s’intéressa de près à la littérature anglaise et soutint Joyce dont elle publia l’Ulysses en édition originale. En 1924, elle fut chargée de l’administration de la revue Commerce, mais, brouillée avec Léon-Paul Fargue (cf note blog du 08/7 et 18/7/2014), elle fonda sa propre revue Le Navire d’argent, à laquelle furent associés sa compagne Sylvia Beach (librairie Shakespeare & Company) et le jeune Jean Prévost, ancien élève d’Alain et ami de Saint-Exupéry. L’expérience fut une réussite sur le plan littéraire, mais ruina Adrienne Monnier qui dut vendre en 1926 sa bibliothèque personnelle. Heureusement, ses auteurs « amis des livres » rachetèrent pour elle la majorité des volumes et manuscrits dédicacés vendus.
Le Navire d’argent fut une passerelle entre les littératures françaises et étrangères. Elle compta 12 numéros, tirés à 120 exemplaires numérotés sur vélin pur fil Lafuma (dont 20 hors commerce, que signait Adrienne). On y trouve des textes de Marcel Arland (cf note blog du 12/7/2014), Valéry Larbaud, Blaise Cendrars (extrait en préoriginale de Moravagine sous le titre « Le principe d’utilité »), Chamson, Claudel, Duhamel, Giraudoux, Hellens, Montherlant, Romains, Soupault, etc. mais également les premières traductions françaises de textes de Cummings, Hemingway (qui put grâce à cela lancer sa carrière en France), Lawrence, Reyes, Rilke, Svevo, Whitman, Yeats…
Retenir pour vous deux fascicules à présent : j’ouvre le numéro 5 en date du 1er octobre 1925 pour y découvrir un texte de James Joyce, extrait de ce qui deviendra Finnegan’s Wake, texte d’abord refusé par la revue londonienne The Calendar par crainte de poursuites judiciaires, qui paraîtra néanmoins en volume séparé en 1928 à New York, puis à sa place dans Finnegan’s Wake, en 1939. C’est en fait la préoriginale d’Anna Livia Plurabelle, chapitre VIII de Work in progress, titre programmatique du célèbre livre de Joyce.
Puis le numéro 11, en date du 1er avril 1926, où l’on peut lire ni plus ni moins que la première publication de Saint-Exupéry, « L’Aviateur »,version primitive de Courrier Sud, roman publié plus tard, en 1929.
Daniel Martinez
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