"Confidence Man and his Mascarades", de Herman Melville (opus 2)
21/05/2017
... Le Grand Imposteur, maître des travestissements et des duperies, s'évanouit et au chapitre XXIV, entre en scène un pitre qui n'a plus besoin de déguisement, son manteau de fou réunissant tous les habits du monde en une bigarrure universelle : le Cosmopolite. Le ton change, le ballet se calme, Melville précise sa pensée.
Vouloir confondre l'imposture et dénoncer les illusions, c'est s'engager sur la voie du jugement et de la mort. Trouver la vérité une fois pour toutes au lieu de la chercher, de la créer, c'est s'en servir comme d'une valeur qui excède la vie. Qui l'épuise au nom d'un bien, vide et faux. Pour préserver sa puissance dans notre désespoir, il faut, comme le clown, sauter d'un habit à l'autre, bondir d'une ligne à l'autre. Être un "misanthrope jovial" qui traque les représentants de la loi, les déçus du monde, les "philanthropes aigris".
Melville croit en un homme futur, qui, comme Le Grand Escroc, sera un "véritable original". Sans modèle mais conforme aux origines et à leur mystère lumineux de vie.
Quand, en 1857, paraît ce livre immense, Melville a trente-huit ans et pense avoir terminé son œuvre : il se retranche dans un silence de trente ans, traversé parfois de quelques poèmes. Les critiques parlent d'amertume et réduisent sa souffrance à une réaction. Dans cette lutte qui l'oppose à l'écriture depuis dix ans, il en est arrivé au point le plus difficile : empêcher que le mince filet ne tarisse. Il lui faut mille prudences, mille lenteurs pour préserver le lien. S'il a cessé d'être un auteur, il n'en aura jamais fini d'être écrivain. Trois ans avant de mourir, c'est avec le pur Billy Budd qu'il achève avec lui sa vie."
Claire Parnet
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