Gérard Macé se confie :
22/05/2017
L'intime est une chimère...
L'intime est une chimère, un monstre que la lumière effarouche, et qui meurt de son propre regard.
Nerval le savait mieux mieux que personne et nous l'a dit de la façon la plus poignante, quand il traça ces quelques mots : "Je suis l'autre", sur la photographie de Nadar qui allait devenir son portrait posthume, trouvant du même coup réponse possible à la lancinante question d'El Desdichado : "Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?"
Plus d'une fois j'ai vu passer Nerval "en grande tenue de soupirant", sur la route qui le rapprochait de ses souvenirs en l'éloignant du théâtre incendié de ses rêves. C'était dans un village où mon grand-père maternel était bûcheron, et devant la fenêtre où je lisais, en levant les yeux je découvrais parfois un autre incendie : de grands feux dans la forêt, plus réels que les "flammes factices" allumées par la lecture, mais moins intenses que la "torche des dieux" ou la passion pour une actrice.
Cependant, même si je parlais davantage de Nerval je ne dirais rien de l'intime qui ne se montre qu'en pâlissant, comme une étoile au lever du jour ; et le plus souvent par surprise, car les questions comme les miroirs font fuir la chimère dont je parlais tout à l'heure.
Chimère dont chaque partie du corps est le lieu d'une douleur imaginaire, qui vient nous délivrer de maladies plus réelles et transforme un symptôme en signe d'élection.
En lisant Leopardi, Mallarmé, Kafka, Proust et tant d'autres, j'ai connu des souffrances dans des membres fantômes, des vertiges et des allergies, la mélancolie plus souvent que les triomphes, et l'aphasie de Larbaud demeure une hantise...
Un chant me bouleverse d'autant plus qu'il vient d'une voix blessée, d'un être estropié par l'enfance ou par l'histoire, et j'écris pour bricoler des ailes à l'infirme qui volait.
"Personnalité mal structurée", m'a dit un jour une fée Carabosse des temps modernes, en l’occurrence un psychiatre des armées.
Gérard Macé
Les commentaires sont fermés.