Philippe Jaccottet opus 2
20/01/2015
Autre question posée à Philippe Jaccottet (vous reporter à la note blog du 10/1/15 pour la première), dans un entretien accordé à Reynald André Chaland, publié in extenso in De la poésie, éditions Arléa, 2005 :
- Pourquoi écrire ? Pourquoi écrivez-vous ? Quelle réponse apporteriez-vous à cette question de journaliste ? Saint-John Perse a écrit : "Pour mieux vivre" ; Pierre-Albert Jourdan, non sans humour : "Pour me redresser un peu" ; et Bataille, je crois : "Ce qui m'oblige à écrire, j'imagine, est la crainte de devenir fou." Avez-vous également une formule lapidaire de ce genre ?
- Je crois qu'il doit y avoir la réponse éparse - peut-être pas de manière lapidaire - dans mes livres. Je crois que si je remonte en arrière, contrairement à ce que vous pouvez peut-être penser, cela a d'abord été un jeu avec les mots. Mais alors vraiment comme enfant : le goût de la lecture très tôt (avant dix ans), et le goût d'écrire de petits poèmes... Cela n'avait rien à voir avec ce que sont parfois les dessins d'enfants, et aussi les poèmes d'enfants, c'est-à-dire l'expression naïve d'une expérience naïve. C'était vraiment du jeu, du plagiat de ce que je commençais déjà à lire comme poèmes. J'ai donc commencé simplement par le goût des mots, qui était en moi. C'est pendant l'adolescence, au moment où l'on ressent des émotions assez confuses et intenses, à la fois passionnées et passionnelles, que j'ai compris que le langage poétique traduisait au fond chez les autres, avant même que j'aie commencé à écrire moi-même, cette question essentielle et centrale, de rencontre essentielle. Et je crois que je ne me suis pas posé de question. A partir du moment où il y avait une certaine tension intérieure, c'était presque comme l'ébullition de l'eau sous pression. Les mots se produisaient sur la page.
Les commentaires sont fermés.