Béatrice Douvre, opus 2
07/05/2016
Avec un courage d'enfant, ils lavent mon visage de vent ;
et leurs yeux s'arrachent dans le fer. Ce sont des dieux assis
impérissablement, la tête couronnée d'anneaux de neige.
Dans le temps clair, ils bougent.
Ils sont dans la douleur profanée des forêts. Approchant leur séjour, les ténèbres les vêtent
ils ont le vêtement éloigné des montagnes.
Ils traversent ma voix de mille cantiques sombres. Regarde, mais leurs pas s'aveuglent, regarde-les fouler les corps morts d'enfants.
Leur sépulture est vierge du feu d'un ordre clair et ils ont l'affection des grands troupeaux de vent.
Béatrice Douvre
Dans ce poème-ci, le lyrisme affleure. Les "anneaux de neige" engendrent aussi bien les forêts que les montagnes qui les portent. Ces "dieux assis" (posture bouddhique, sous l'Arbre sacré), se voient profanés, de quelque manière, par "les corps morts d'enfants" ; enfance à laquelle ces premiers empruntent leur "courage". Passage de la vie à la mort donc, à l'opposé du passage même du poète par la fameuse forêt obscure dantesque.
En fait, le poète ici ne sort pas de la sylve, seul le vent fait la jonction entre le lavement du visage et son extension spatiale, "l'affection des grands troupeaux de vent". La mort y est omniprésente : les corps morts d'enfants piétinés (visage de l'innocence, image régressive, du fini) en opposition à l'ad-verbe "impérissablement", au regard de "leur sépulture". Si par deux fois l'adjectif "clair" est répété, il ne renvoie qu'au-dehors.
C'est le génie même de ce texte : Béatrice nous donne à lire son propre sort, retour régressif et assumé de l'auteure vers la ténèbre, une traversée au-dedans. Mystère de l'écriture, qui s'auto-consume à mesure. Brûlée de l'intérieur. DM
Les commentaires sont fermés.