Gao Xingjian : "Esprit errant pensée méditative", Ed. Caractères, mai 2016
13/06/2019
Ne voulant pas m'exposer à la reproduction sans autorisation d'un poème choisi dans l’œuvre poétique complète de Gao Xingjian, intitulée "Esprit errant pensée méditative", illustrée par l'auteur et traduite du chinois par Noël Dutrait, je me contenterai de vous conseiller la lecture de ce livre hors du commun. Un livre qui est bien plus qu'un exercice du regard, "où la poésie/ n'est en rien un simple jeu du langage" mais infiltre le réel - créant dans l'instant même des rapports d'approche et de distance - pour le condamner quand il se doit, sans jamais se laisser emporter par lui. Un réel insuffisant donc, avec lequel composer autant que faire se peut, dans un chorus de signes et de lueurs qui ajustent l'horizontal à son échelle de rayons, élargissant sans cesse les contraintes physiques des yeux... "Dieu/ ouvre un œil tout rond/ garde l'autre fermé/silencieux/ il écoute seulement".
Cette dimension méditative, au long du temps et de l'histoire, au sein de l'espace, emporte tout le reste dans un territoire qui n'en est pas un, où le poète pas à pas efface le futile pour ne conserver que l'essentiel, redoutant plus que tout "le Deuil de la beauté" et toujours désireux de capter "l'Essence de la douceur" (titre de l'une des quatorze peintures de Gao Xingjian dans ce livre, celle-ci datant de 1997)...
L'homme est d'une simplicité qui pourrait passer pour désarmante, un regard vif encore, chargé d'une histoire qui ne fut pas tendre pour lui ; il vit en France depuis 1984. Sa maîtrise de la langue française est évidente, même s'il écrit généralement dans sa langue mère. Sa poésie (sachant que l'auteur "ne (se) reconnaît pas comme poète" mais se définit plutôt comme "un ermite/ à la marge de la société") baigne dans un climat particulier où passé, présent et futur se confondent pour épouser le sillage d'un être singulier. Un être attaché à sa liberté, pris au miroir de la création, indivisible, jamais réductible au devenir de l'humanité dans ses errements. Son errance à lui, se prolonge au travers de ce qu'elle devient dans ses vers, sans port d'attache ni "itinéraire fixe". DM
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