"La compagnie des objets", par Michel Pagnoux, éd. Folle avoine, 26/7/1995
31/12/2019
Odeurs des livres entêtants, sortis de coffrets comme d'écrins ou d'alcôves où l'on effeuille, on dévoile, on soulève, on écarte, toutes délicatesses du bout des doigts pour évincer qui ne saurait voir, célébrant du miraculeux.
Bruit du papier, de croûte, de cuir et de sabre.
Un livre.
C'étaient d'abord tables de pierre ou papyrus, murs de signes et d'images, retrouvailles inspirées des parois peintes et gravées. Ce furent les palimpsestes et les incunables, les manuscrits enluminés. Les riches heures.
Ils étaient Perses ou moines ou Byzantins ; les images allaient et venaient dans le texte. Portant le savoir, ils nous lèguent son oubli et nous laisse le livre.
Du texte ou de l'image, nous ne savons lequel commença. Pourtant, mêlées de la terreur et de la solitude originelles, suppliques et invocations se prenaient en prière, en vocable, en écrit et précédaient l'enluminure. C'est l'ordre même des vœux et l'artiste en connaît les raisons par le langage croisé qu'il propose en échange.
Le même, en deux. Pour des circulations différentes, d'autres échos, en deux mêmes parois pétries d'un même blanc.
L'image et l'écrit ne mêlent pas d'emblée le sang du blanc dont ils proviennent.
Peindre, c'est dresser frontalement quand le poète écrit à plat et compose avec l'horizon. D'aucuns inversent : textes au mur ou notés en marchant parmi le cahot, peintures précipitées au sol ou projetées en d'impossibles dérives obliques. Toujours les signes tranchent l'espace et s'y suspendent.
"J'ai dessiné le mot peinture" *
* André du Bouchet
Michel Pagnoux
Les commentaires sont fermés.