"Gratitude augurale", de Pierre Dhainaut, éd. Le loup dans la véranda, 4 avril 2015, 24 pages.
15/03/2020
La douleur l'anime ou la joie, qu'importe, chaque poème réclame la forme qui lui convient, qu'importe également qu'elle soit brève ou non : chaque fois le poème t'avertit que tu t'en approches, il s'aère, il devine avant toi que la poésie le visitera.
Une fécondation réciproque, une amplification, ce qui délivre de l'étreinte des mots et du poème, tu éviteras de le nommer : farouche, il fuirait. Ce nom de "poésie", toute une vie ne sera pas de trop pour renoncer à le définir, pour laisser le passage à la voix qui nous porte en plein vent.
Il régénère le langage, il nous régénère : à son influence bienfaisante nous reconnaissons un poème. Et tant pis - ou tant mieux - si nous sommes incapables de le prouver. Aucun raisonnement n'expliquera la nature des rapports entre notre être et le langage : pour le poème qui ne divise pas, qui ne hiérarchise pas, ils sont consubstantiels. L'être ne loge ni au tréfonds du langage ni en nous-mêmes, il advient. Il advient par la grâce du poème. Ses mots ne sont pas des signes qui ne serviraient qu'à restituer une expérience ou à exprimer une vérité établie, des signes, des ombres, ils ne sont que s'ils engendrent le poème qui les réengendre. Que vive le poème, il sera semblable à cet enfant que nous mettons au monde, il nous communiquera sa vivacité.
N'aborde pas sans crainte un poème. L'élan qu'il ébranle, déjà tu t'y ajoutes, tu t'obstines à le gouverner, tu le brises. As-tu progressé dans le désintéressement ? Cette question ne concerne pas seulement l'écriture et la lecture des poèmes. Elles sont inutiles si nous reproduisons nos conduites distraites, autoritaires.
Pierre Dhainaut
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