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Du "Prince des poètes", un sonnet d'un registre nervalien, où la chimère l'emporte sur le réel, où le Rêve touche aux portes de l'au-delà, à son mystère. Dans cette alchimie particulière la Vie, qui porte ici la majuscule, s'enfuit comme le temps, doublant la solitude foncière de l'auteur, son exil intérieur :
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine
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