"Une voix qui mue", de Camille Loivier, éditions Potentille, juin 2019
04/11/2020
j'ai appris la langue chinoise comme
une langue silencieuse je ne cherchais
pas à parler j'ai fui la langue de mes pères
et mères vers d'autres mais
aucune ne disait ce que je pensais
j'ai cherché une langue
qui ne se parle pas, qui se caresse seulement
qui se retient aux branches, j'ai vu
les caractères d'écriture comme des
consolations à mes paroles rentrées
- il existait une langue pour elles -
une langue qui accepte donc que l'on
soit muette que l'on ne puisse parler
qu'à soi-même à voix basse
pendant des années je me suis
accrochée à cette langue passée
comme à une langue qui n'avait
jamais demandé à être parlée mais
seulement écrite elle n'était
pas inaudible elle avait ses bruissements
inquiets de feuilles séchées, de marrons qui tombent
de terre qui se fendille que l'on retourne et tasse
Camille Loivier
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