"L'ombre et l'éclat", de Françoise Ascal, éditions Atelier La Feugraie, 15 mars 1990, 40 pages
24/01/2021
La mesure est l'excès. Il y a de l'excès partout, de la surabondance qui outrepasse la fonction. Dans le jardin la beauté excède de loin la nécessité propre à l'accomplissement des fonctions vitales de reproduction, de signaux d'appel. Pourquoi tant de subtilité dans le dessin, dans les couleurs, dans la texture des écailles enluminant les ailes du papillon ?
L'excès de beauté flambe hautement, en proportion de l'infini des gouffres. Même démesure. Comme s'il n'y avait pas deux mondes distincts - le bien et le mal - mais un seul s'inversant en miroir exactement à hauteur du cœur de l'homme.
Longs moments à contempler l'épiderme délicat des iris, leurs peaux parcheminées, transparentes, qui se dessèchent et se détachent peu à peu de la tige, juste à la base des pétales, après avoir été gaze verte enroulant précieusement le bouton. Bain d'iris. Bain bleu, violet, mauve.
Lire Hallaj, écouter Bach, s'immerger dans la lumière des iris. Sous la diversité des formes et des temps, l'unité.
Ne pas cesser la louange. Célébrer la lumière alors même que la noirceur gagne.
"Le désir, non de combattre la mort - absurde ! - mais de ne pas salir la vie" notait P.A. Jourdan quelques semaines avant de disparaître, rongé par le cancer.
En chacun, l'inconnu, l'illimité sont à parcourir. Si peu de repères fiables, de balises dressées. La carte de l'être est toujours à venir.
Mon savoir est un caillou, un fossile immémorial enfoui au fond de mon corps. Tant de peaux successives l'ont recouvert. Comment y accéder sans blesser la vie ?
Françoise Ascal
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