"Le voyage d'Alep", de Salah Stétié, éditions Les Cahiers de l'Egaré, coll. Premiers feuillets, 10/7/1991, 56 p., 500 exemplaires, 50 F (avec une photo du poète et un portrait signé par Albert Féraud)
25/03/2021
J'ai souvenir d'avoir publié des inédits de Salah Stétié dans le numéro 30 de "Diérèse" (page 70 à 72) pour la livraison d'été-automne 2005, d'avoir confié le travail d'impression à un artisan du XXe parisien, qui s'était "acquitté" de sa tâche en me confectionnant un dos carré-collé comme je n'en n'avais jamais vu, à l'encollage si hasardeux qu'il ferait frémir tout professionnel digne de ce nom ! Mais, bon, face à ces petits braquets en marge de l'escroquerie, qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !
... Je republierai les fameux poèmes de Salah Stétié dans ma prochaine note blog (le numéro 30 est à présent épuisé)... J'avais alors déjeuné avec ce poète, qui n'est plus de ce monde, dans un restaurant libanais du boulevard Montparnasse et il m'avait à cette occasion conté ses relations difficiles avec telle maison d'édition en vue, pour des raisons peu ou prou mystérieuses (entre autres sujets abordés). A la réflexion, ce fut un moment de première grandeur - l'envergure de l'homme égalait il est vrai celle d'un Yves Bonnefoy - moment d'exception comme j'en ai peu connu depuis.
En attendant de vous faire relire ses poèmes de 2005, cet extrait du "Voyage d'Alep", en page 21 :
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"Une explosion de feuilles et d'air vif : le printemps. On s'était endormi dans l'hiver. Ce matin, la tiédeur me réveille. Je respire une large lumière. Sur ma fenêtre, deux tourterelles causent.
L'événement fut précédé de grandes eaux. Le ciel trop pur de l'hiver enfin crevait. Les pluies bleues tombaient du ciel gris. Elles tiraient du cœur fondu sa plainte heureuse. Les nuages brûlaient doucement.
On l'attendait. On l'entendait venir.
Tout commença par un peu d'herbe au bord des routes. Herbe d'angoisse. Le lieu de pierre, aurait-on dit, s'attendrissait. Puis d'un coup, les collines vêlèrent.
Les arbres bandent de partout vers l'astre adulte. Printemps sans brise. L'âme n'est rien qu'une présence épaisse.
La nuit sera secrètement tendue de sèves. Les aiguilles d'un autre hiver la perceront. Mais le cœur souffre déjà l'été précoce.
... Venu de bien loin, de ciel bleu, pour se perdre à nouveau dans le vague, le Kouek, insoucieux de ses rives nouvelles, continue de rouler ses eaux brunes."
Salah Stétié
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