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Ce livre est un peu un mystère, puisque je ne le vois pas figurer dans la bibliographie de Pierre Dhainaut. Il est pourtant, à mon sens, d'importance et mériterait que la critique s'y intéresse de plus près. Il s'agit en fait de la publication en livre de la conférence donnée le 12 mai 1997 au Musée d'art moderne de Lille Métropole-Villeneuve d'Ascq, dans le cadre de l'exposition Art Brut, Collection de L'Aracine.
En voici un extrait :
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"Qui cache son fou meurt sans voix."
Henri Michaux
Bien qu'il soit de bon ton désormais de la marchander, notre dette à l'égard du surréalisme est immense. Il n'a pas, que je sache, contribué à la divulgation des textes des malades mentaux comme il le fit pour leurs dessins ou leurs assemblages, mais Breton très jeune fut alerté par leur comportement. Bien avant d'écrire avec Eluard L'Immaculée Conception qui comporte cinq "essais de simulation" (de la débilité mentale, de la manie aiguë, de la paralysie générale, du délire d'interprétation et de la démence précoce), il avait publié dans une revue, en 1918, un poème qui est resté méconnu, Sujet : il y parle à la place d'un de ces soldats qu'il soigna quand il se trouvait au Centre neuropsychiatrique de Saint-Dizier et qui se croyait le metteur en scène de la guerre. C'était montrer que la connaissance objective est insuffisante et que rien ne vaut l'expérimentation.
Quant à l'"automatisme psychique pur" qui définit le surréalisme dans le premier Manifeste, certains historiens ont cru que Breton avait emprunté l'expression, sinon la notion, au docteur Janet : quand Janet invoque l'automatisme, il le fait toujours en termes de déficit, il s'agit pour lui de comportements - le somnambulisme, par exemple - qui sont la reproduction dégradée d'une activité antérieure. Tout autre l'écoute de l'inconscient que recommande Breton. S'il emprunte, c'est à Freud. C'est aussi à Théodore Flournoy. Breton nous a appris à prendre en considération l'activité esthétique des médiums. Il avait été envoûté, le mot n'est pas trop fort, par Hélène Smith, la "prodigieuse", qu'il connaissait par l'intermédiaire de l'ouvrage de Flournoy paru en 1900, Des Indes à la planète Mars, "étude", précise le sous-titre, "sur un cas de somnambulisme avec glossolalie". Ce cas mériterait que l'on s'y attarde, je m'en tiendrai à quelques brefs rappels. Hélène Smith, entre autres, inventa tout un roman qui lui permit d'aller sur Mars, de décrire ses paysages ainsi que de parler et de comprendre sa langue. Textes et dessins sont reproduits par Flournoy qui distingue avec soins les différentes formes d'automatisme ayant permis de les obtenir, verbo-auditif, vocal, verbo-visuel, graphique. Breton reprendra cette terminologie. Le martien, aux yeux mêmes de Flournoy, n'est qu'un travestissement du français et son alphabet une imitation de notre système d'écriture, et mieux vaut ne pas insister sur les ingrédients du récit : ce qui est en jeu, c'est le besoin de créer des mots. Ce besoin que dénonçait un Lombroso, Hélène Smith le pousse au paroxysme, par les hallucinations de l'ouïe, par les visions spontanées, par la transe qui guide la main, et du même élan, avec les sons et les significations, elle invente leur graphie. "Néographie", un symptôme encore pour les psychiatres de jadis. Les poètes surréalistes en pratiquant l'automatisme verbo-auditif, le plus riche selon Breton, se contentèrent - à de rares exceptions près - du vocabulaire établi et ne rêvèrent pas de nouveaux alphabets. Ils ne touchèrent pas davantage à la syntaxe. A dessein, parce qu'une autre approche serait nécessaire, je ne dirai rien de celui qui apporta au surréalisme naissant toute sa violence et toute sa lucidité : qu'il me suffise de prononcer le nom d'Artaud.
Pierre Dhainaut
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