Julien Green (1900-1998) et "la lumière du livre non écrit".
16/03/2016
"Un roman se fait quand, ayant quelque chose à dire, je ne peux pas attendre une heure de plus pour me mettre à ma table et l'écrire. Alors, il m'arrive quelquefois pendant un an, et quelquefois même pendant deux ans, de ne pas en éprouver le besoin et c'est, pour moi, une véritable souffrance parce que je me sens inutile." (Julien Green en liberté, entretien avec Marcel Jullian, 1981. Paru dans le tome VIII des Oeuvres complètes de La Pléiade.)
"J'ai toujours essayé d'écrire un livre qui me satisfasse complètement. Je veux dire par là que je n'ai jamais pu réussir à écrire le livre que je rêvais d'écrire. J'ai écrit autre chose. Il ne ressemble pas à l'idée que je me forme de moi-même. Quelqu'un m'a fait remarquer très justement un jour que je n'écrivais pas les livres que je voulais écrire, mais que c'en était leur reflet. Le reflet, c'est très intéressant parce que c'est la lumière du livre non écrit. Cependant, quand j'écris un livre, et ceci est vrai pour tous mes livres - mis à part le Journal - il y a toujours un moment magique où quelque chose m'est donné." (Ibid.)
"Un langage n'est pas seulement le moyen de désigner les objets ou de décrire des émotions, c'est en lui-même un processus de pensée (...). Jusqu'à quel point notre langage fait-il réellement partie de nous ? Ayant observé qu'on peut oublier sa langue maternelle, je pensai d'abord que les langues étaient superficielles, qu'elles n'allaient pas jusqu'au coeur de la conscience. (...) Avec le temps, j'ai révisé mon opinion et je suis sûr aujourd'hui que notre langue maternelle plonge en nous une racine qui ne peut jamais être arrachée." (Une expérience en anglais, traduit en 1943 par l'auteur.)
Julien Green démissionna de l'Académie française en 1996 en expliquant : "Les honneurs ne m'intéressent pas du tout, quels qu'ils soient."
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A relire sa trilogie du Sud américain : Les Pays lointains, Les Etoiles du Sud et Dixie.
Son Journal court sur près de 80 ans, dix-sept volumes, ce qui en fait, a-t-on pu estimer, le journal "le plus volumineux de toute l'histoire de la littérature". Il est paru chronologiquement chez Plon, puis au Seuil, enfin chez Fayard.
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