Une fois n'est pas coutume, voici un écrit du plasticien dont nous entretient dans ce livre le poète Louis Dalla Fior (un artiste disparu prématurément et qui a permis, de son vivant, la reproduction d'une gravure de son meilleur cru dans Diérèse). Le présent extrait prend l'allure d'une retranscription. Conçu en 2002, à l'occasion d'une exposition intitulée "L'Arbre de la connaissance", c''est un texte grave, où se lit la solitude foncière du créateur, au regard du geste d'Eve ici transposé.
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Le vieil Adam
Dans cette étrange torpeur, où le chant des oiseaux m'accompagnait toujours, je vis là devant moi un vieil homme paraître. Je ne sais d'où il venait mais je n'eus pas le temps de lier conversation. Dès qu'il vit le pommier, il grimpa tout en haut, mangeant à son plaisir tous les fruits qu'il portait.
A la dernière pomme, tout était consommé. Il voulut redescendre d'où il était venu mais le pied lui faillit et il trébucha la tête la première vers la terre qui s'ouvre, le sol qui l'engloutit dans un gouffre béant. Où est-il à présent ? La terre dans ses entrailles le tient-elle prisonnier ? Est-il encore en elle ou dans un autre lieu, éloigné de chez lui ? Je l'ignore. Mais je peux voir qu'il est perdu, je peux voir sa peine car je la sens en moi, tant il me semble que ce vieil homme m'appartient de lignage. Il est partie de moi et je suis près de lui dans la terre ouverte, perdu et sans secours pour venir à lui, pour venir à nous.
Jean-Pierre Pincemin
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