"Échancré", de Jacques Dupin, éditions P.O.L., 20 décembre 1990, 128 pages, 12 €
03/12/2020
Voix rauque et regard perçant, Jacques Dupin répondait à un critique qui lui demandait si ses métaphores avaient souci d'une logique peu ou prou "rationnelle", en se référant à son opus paru chez Fata Morgana (1983), De singes* et de mouches :
" Relisez donc Mandelstam : « Ce qui distingue la poésie de la parole machinale, c’est que la poésie justement nous réveille, nous secoue en plein milieu du mot », et c'est bien cette secousse que je recherche, avant tout le reste !" (BPI, petit auditorium, 2004).
Ce poème, in Échancré, résume à mon sens sa démarche, son souci et son approche parfois difficultueuse de la chose écrite, voici :
Fragmes
Je n'écris que toi, dit la ligne absente, la ligne amoureuse, j'attends ton éveil... tu me tires, tu me traces, et tu me brises - tu me plies, tu m'entraves à l'infini... mon corps, mes bonds, ma voix...
... et l'imprécation, la fêlure de la langue, la marche au supplice, la scansion et l'ouverture de mon pas... ce tirant d'eau, ce mouvement de voile, - ce vent de sable, comme une offrande au néant...
je m'abstrais de toi, je vole au-delà, dit la voix duplice, dit la ligne, la corde maîtresse, dont la vibration s'amplifie, - dit la flamme d'une voix qui ne pourra jamais nous rejoindre...
Jacques Dupin
* "singes" et à entendre ici comme "signes".
Collage de Daniel Abel
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