"C'est la vie", de Gil Jouanard, éditions Verdier, janvier 1997, 112 pages, 80 F
22/05/2021
Loin de se séparer de la réalité par quelque essence distinctive, qui en spécifierait la nature, la poésie s'inscrit absolument dans le réel, dont elle n'est que le mode d'expression langagier, la dimension la plus précieuse. Elle ne saurait du reste constituer en soi une fin ; elle est plutôt le meilleur chemin d'accès à la pensée, celui empruntant la voie affective et mémoriale, celui favorisant l'ambivalence et révélant la complexité de tout acte mental et la complémentarité analogique de l'ensemble des dispositions sensorielles. Elle ne dépend ni de la "sensibilité", ni de l'humaine pulsion lyrique : elle les inclut, les manifeste, sans jamais s'en contenter. Qui veut appréhender la diversité et l'unité conjointes du monde n'a véritablement d'autre recours. La philosophie, qui vise à capter le réseau des questions actionnant l'"être au monde", sera toujours subsidiaire et parcellaire. La poésie, qui a tout à voir avec la beauté, vassalise tout naturellement cette activité de la seule raison. Qui veut connaître doit se livrer d'abord à cette pratique euphorisante - et en cela héréditairement dionysiaque - de la célébration méditative. Le poète n'est rien d'autre qu'un bon conducteur de cette énergie logée dans les mots depuis l'origine du parler.
L'avion vers Nantes, ce 20 avril 1994.
Gil Jouanard
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