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En 1981, Georges Monti émigre à Cognac (Charente) et fonde sa propre maison d'édition sous les auspices d'Armand Robin, auteur du Temps qu'il fait. "Mon premier acte d'éditeur a été de publier la Fausse parole de Robin, ce qui est un acte hautement symbolique, quand j'y pense avec recul, puisque c'est à la fois un essai et un récit ; un livre de poète et un livre de philosophe ; un texte éminemment littéraire et éminemment politique." Les éditions du Temps qu'il fait sont aujourd'hui implantées à Mazères (Gironde).
Ce n'est pas l'université, fréquentée sans enthousiasme, qui a donné à Georges Monti le vrai plaisir de la littérature ; plutôt des rencontres, des hasards, et un solide appétit de lecteur : "En éditant, j'ai simplement essayé de donner corps à cette passion. Le seul critère de choix, c'est mon goût : et chaque livre est une histoire. Un projet éditorial est souvent constitué sur la réflexion d'un "créneau", d'un "marché" possible. Je n'ai jamais eu cette démarche, et je n'ai pas l'ambition de devenir une grande maison d'édition."
Les moyens de départ étaient quasi inexistants : 50 000 F empruntés à la banque pour pourvoir à l'achat d'une machine déjà bien éreintée. Aujourd'hui, Le Temps qu'il fait propose plus de 600 titres, pour un tirage variable selon les collections (il existe aussi un fonds bibliophilique, à tirage restreint, sur beau papier, enté de photographies, peintures, dessins, gravures selon : signalons l'ouvrage de Jean-Pierre Otte, Cette nuit est l'intérieur d'une bogue, chroniqué in Diérèse n°80, édité en janvier 2019 à 21 ex. numérotés, accompagnés d'une peinture originale à l’encaustique signée par l'artiste, 170 €). Une vingtaine de titres parait à l'année, ce qui est considérable pour une équipe de six personnes en majorité employées à mener à bien le travail d'imprimerie. Mais là encore, ce n'est pas la quantité qui singularise un catalogue mené en toute liberté, selon quatre registres : des auteurs du patrimoine contemporain : Robin, Tsvetaeva, Leiris, Chaissac, Leopardi, Perros, Huysmans, Dadelsen ; des inédits d'auteurs contemporains reconnus... par un petit public - Baptiste-Marrey, Jean-Claude Pirotte (15 titres), Jude Stefan, Paul de Roux, Jean-Loup Trassard (mention particulière pour "Tumulus", paru en mai 1996, orné de 9 photographies originales de Jean-Philippe Reverdot - cf note du blog Diérèse et les Deux-Siciles du 2/7/2021), Jacques Borel ; ou par un public plus large, comme Christian Bobin (10 titres)... - la réédition d'ouvrages : Paulhan, Ponge, Jouve, Dietrich, Fondane, Obaldia, Töpffer, Richaud ; enfin des ouvrages d'auteurs assez jeunes comme Laurent Girerd, Jean-Pierre Ferrini, Bénédicte Cartelier, Nicolas Ragonneau, Michel Arbatz...
Il y a peu de traductions au catalogue du Temps qu'il fait. Georges Monti a pris le parti de la littérature française, ce qui est assez rare à son échelle, et prend le risque du véritable éditeur en publiant des textes que parfois personne ne voit. A ce sujet, sa plus grande déception concerne le Voyage du chat, un roman de Jean-Pierre H. Tétard, dont personne, sauf la NRF, n'a même signalé l'existence. "Le livre s'est péniblement vendu à 300 exemplaires, tout comme le suivant, L'Eden et les Cendres. Et pourtant ce sont des textes d'une très grande maîtrise." Son catalogue est une histoire de correspondances et d'affinités : "Dans un premier temps, j'ai demandé des livres à des auteurs que j'aime, et puis ensuite, on m'en a proposé ; et curieusement, des auteurs que j'aime m'en ont proposé. Il y a comme un phénomène de reconnaissance, des auteurs qui se disent qu'il seraient bien dans la compagnie du catalogue."
Cent à cent cinquante libraires sont fidèles au Temps qu'il fait. Georges Monti regrette cependant que le lectorat demeure celui des lettrés. "Mon image est assez restrictive de ce point de vue, peut-être étayée par le choix d'une maquette soignée, un peu intimidante ; mais c'est aussi la conséquence d'un phénomène plus général, qui veut qu'aujourd'hui chaque chose ou chaque personne soit définie par un ordre reconnaissable : des éditeurs pour le grand public, et des éditeurs pour les happy few. Tout cela est stupide, mais c'est le mensonge de l'époque."
Georges Monti revendique la subjectivité et fourmille de projets. Denis Montebello, récemment publié, avec Fossile directeur, chroniqué in Diérèse 82, Gilles Ortieb avec La nuit de Moyeuvre, Jean-Yves Laurichesse avec Retour à Oppedette sont à signaler parmi les nouveautés. Sans oublier ces cahiers collectifs, qui font date dans la production de cet éditeur, comme celui de Louis-René Des Forêts ; ou, pour coller à l'actualité, l'ouvrage encore sous presse consacré à l'artiste singulier Pierre Albasser : Les emballements de Pierre Albasser, un livre à plusieurs mains qui vaudra le détour !
"Au fond, ce qui importe, conclut Georges Monti selon la formule de Paulhan qu'il cite de mémoire, c'est ce par quoi la littérature échappe à elle-même. Ce que j'attends toujours de la littérature, c'est qu'elle m'étonne et non pas qu'elle me confirme ce que je sais déjà. Ce qu'il y a de passionnant dans la littérature, c'est la poésie ; et la poésie, je la cherche plutôt dans la prose, parce que souvent, sauf cas très exceptionnel, la poésie se manque à elle-même."
Hommage soit rendu ici à cet éditeur, inlassable découvreur de talents, qui toujours s'est battu pour défendre et faire vivre le livre, le génie de la langue, en somme.
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