25/09/2021
"Pour la littérature", de Cécile Wajsbrot, éditions Zulma, 19 mai 1999, 64 pages, 49 F.
Ecrire définit une technique, une activité comme une autre, qui s'apprend et qui s'enseigne - il y a des ateliers d'écriture comme il y a des ateliers de couture ou de mécanique auto - c'est une activité universelle. Tout le monde écrit, et tous les jours, on peut écrire des lettres, des rapports, même remplir un chèque ou signer une note de carte bleue, c'est encore écrire, et on écrit aussi des livres. Employer le même mot invite à considérer qu'il s'agit de la même chose, que la seule différence entre écrire une lettre et écrire un roman est une question de longueur, que si on sait faire l'un, on peut savoir faire l'autre.
Lorsque l'écriture apparaît, la singularité de la littérature disparaît, autant dire son essence. On écrit des livres, au pluriel, et les uns viennent s'ajouter aux autres, sans que personne ne songe à faire le total un jour - il n'y a pas de total, la seule mesure est l'unité. Tandis que la littérature est singulière, elle suppose la construction d'une œuvre, pierre à pierre, le souffle nécessaire pour y parvenir - l'élan. Mais quel élan, dans l'écriture ? L'écriture est abstraction au sens où elle retire quelque chose, au sens de soustraction, et cette chose qu'elle retire, c'est tout simplement la vie. L'écriture est un squelette, mais un squelette dont la colonne vertébrale aurait disparu, un amas d'os épars, un amas de phrases brèves, de mannequins bourrés de sable pour donner l'apparence d'une forme, de la vie, mais qui ne fait pas illusion pour peu qu'on l'approche d'assez près...
Cécile Wajsbrot
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