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18/03/2018

Regards V

L'impalpable splendeur de toujours
dans un grand appel d'air un souffle froid
au milieu duquel nous nous tenons
la neige à petits flocons sur les forsythias
comme le bruit que fait le sang
dans l'univers muet qui règne sous la surface
ainsi les branches d'arbres portent lumière
jusqu'aux premières fleurs crémeuses
d'un printemps qui s'annonce froid
la moire à peine des choses
ou la gloire des fusains
dont les feuilles sont de sel
piquées de fines amertumes de ciguë
cherchant âme qui vive


Des gouttes de glace brillent
et reflètent la structure improbable d'une maison
dont la toiture penche entre les mailles du jour
à l'instant de l'échange du corps à l'image
puis dominant le plus haut conifère
la géométrie mortelle d'un immeuble vide
dressé au coin de la rue du Lavoir
au bout du chemin de nos pas
et tous ces vivants tableaux
qui ne peuvent assurément

pas jouir de la perfection de l’œuvre
mais sont lueurs d'un en deçà du temps


Daniel Martinez
18-3-2018

24/02/2018

Art poétique

Foyer d'intense plénitude
une brusque trouée de verdure
enlace la grisaille minérale des hauteurs
                et doucement s'éclaire
dans cette coupe épaisse de matière
                hors du présent
une possible réconciliation de l'existence
avec le mouvement de lissage du temps
le corps unique du poème animant en son sein
des molécules qui bruissent chatoient
recueillies par des orpailleurs de rosée

Une corniche blanche sur un ciel d'hiver raidi de bleu
met au jour des doubles de fumée
des chimères de longue vie
aux mains des captivantes
les yeux troués par des rougeurs de braise
d'autres profondeurs m'appellent
                d'autres encore

Gagné part la logique effrénée du voyage
tout fuit herbes et ombres
                pour réapparaître
derrière le vacarme de la pensée
ce qui est uni à ce qui n'est pas
comme la conscience vagabonde
tu es tout à cet instant

Daniel Martinez

07/02/2018

Regards IV

Lent régulier paisible le gémissement
des branches des bouleaux
sous la neige rosâtre par endroits
et le cri mélancolique du colvert
il nous souvient d'un jour
d'hiver où l'eau vivante
sortie des taillis
qui moutonnaient en désordre
se figeait laissant perler
quelques gouttes d'ambre
sur la roche gélive
le sol résonnait
un peu comme un ponton
l'air glacé nous traversait la peau
comme nous avancions
à petits pas mesurés
un quadrige immobile
avait fait halte au pied
de la châsse d'argent


Des soies mauves ici
des fragments de branches là
transformant leur marbre en miroir
l'espace entier frissonnait
ses particules continûment
nous touchaient l'épaule les cheveux
depuis le sanctuaire nous parvenaient
les sanglots étouffés d'un corps

strié d'incisions d'un violet pourpre
un monstre ailé embaumé
aux yeux liseronnés de pleurs
s'abouchait à des essaims d'étoiles chues
quand parut à la croisée des chemins
un grand cerf aux yeux dorés
cernés de longs cils
il s'arrêta d'abord plus surpris qu'apeuré
pour s'enfuir enfin
dans un jet d'haleine fumante
confondu à ce que pourrait être
mon tout dernier souffle



Daniel Martinez

7/2/2018