28/11/2020
"Jardin secret" de Daniel Martinez
Ballade
Les murs vagues et sans souci de l’heure, ce qu’en disait le poète, couverts de signes. Mais silencieux comme fruits sur l’arbre immobile, comme la paix, comme l’échelle d'un monde qui se délite dans l’été, la distance annulée : un simple oiseau devient soleil, le ciel d’un bleu profond reprend haleine parmi les chiffres purs du réel.
La vie, la langue sœur, dans le carnet ré-ouvert. Au jet de la ligne, passé tout ce qui fait ombre, les pages libres se tournent d’elles-mêmes. Me disent, me redisent à leur manière que rien ne fut vain. Les vents vont à demain, vapeurs, nuages, apories. Si peu de choses en somme embrassent l’origine, limpides jusqu’à la transparence. "Mais comment donc voir, sans perdre aussitôt l'image dans sa vérité originelle ?"
Là, je tâche de me rappeler ce qui fut tien. Avec les trois ou quatre couleurs soufflées sur les parois de verre de la porte-fenêtre, avec ce pari que le temps s’est tenu à lui-même. La caisse du luth coupé de hachures claires reprend corps, te façonne selon. Ta respiration en moi est brûlure commune.
Signes du vent, aile austère de l’if, lent sablier. À l’instant, une ruée lourde de nuages, leur manteau de dérisions : au beau milieu d’entre eux, accrocher un point fixe. Nue dans le vide, la glycine balance, depuis l’escalier extérieur. Spirale, les jours d’ici.
Toujours plus d’allant dans l’esquisse, moins de contraction dans le trait. Louvoyante mémoire. Les crayons gras sur la feuille, les rides de la paille sur les roues, le chemin tracé là au jugé se perd dans les lointains, les vapeurs de la terre. Charroi des possibles, revisités.
Dans l’étendue offerte, le blanc de l’énigme renoue avec la perte du nom-de-soi. Quand seul compte ce que dessine entre sang et pensée le voyage des heures griffées d’une double ombre bleue.
Daniel Martinez
04:46 Publié dans Instantanés | Lien permanent | Commentaires (0)
14/07/2019
Lueurs des mains
A écouter les images
à lire parmi les sillons et les vagues
ce feu qui nous tourmente
sans autre retour
que le paradoxe inaugural de la vie
animée par les nuages qu'elle découpe
la ligne crayeuse des souvenirs
sur le miroir mouillé des laisses
nous sacrifions ce que nous aimons
serait-ce faiblesse de ne croire en soi
autrement que par les mots
qui nous redonnent ce peu
de la gloire des beaux jours
réinventée à mesure
avec les odeurs qui n'en finissent pas
de monter de la terre
à revoir sous la chute glissée d'une feuille morte
dans son mouvement même
l'infini du fini resurgir l'espoir fou
l'oubli d'une lampe allumée
sous la fenêtre brillant
dans le petit matin bleu
Daniel Martinez
09:19 Publié dans Instantanés | Lien permanent | Commentaires (0)
23/03/2019
Jardin secret I
Le bouillonnement des violettes blanches
a succédé aux étoiles
jusques au creux des souches
où divaguent les fumées du matin
visage sous le masque
le pays de nos amours reculait
sous la fine cire de la conscience
les fibres d'un corps second
laissaient paraître des cendres stellaires
mouillées par la lumière
plus légères que l'eau
"Voici le Sud me disait elle
et le calme gagné
pour s'y perdre de concert
sous la pression des vagues
ces bris de coques au rivage
écloses en grappes de bulles
en pelotes marines herbes de Posidonie
les sables les distribuent
seraient-elles mousses de soleil"
Avec les flux et reflux l'illusion multipliée
nous sommes de ce monde
mais sans autres attaches
que le bruit soyeux des mots
qui le réinventent chaque jour
inquiets du principe secret qui les anime
toutes frontières brouillées
Daniel Martinez
09:01 Publié dans Instantanés | Lien permanent | Commentaires (0)