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04/06/2019

"Le dernier des immobiles", avec Matthieu Messagier, un film de Nicola Sornaga, 2004

Jacques Morice nous présente aujourd'hui un film pas comme les autres, porté par le souffle de Matthieu Messagier, qui a confié à Diérèse (n° 64) des pages inédites de son Journal :

Ne cédons pas, même si le coeur nous en dit, à l'éloge hyperbolique, piège soigneusement contourné par ce premier long métrage, qui donne l'impression de s'inventer sous nos yeux. Mais qui est donc ce sacré et satané Nicola Sornaga ? Un jeune apprenti voyant, qui rêve de faire un film sur Matthieu Messagier, "sans trahir" cette sentinelle en chaise roulante de la poésie contemporaine. Le mieux sera de puiser l'énergie immobile chez celui qu'il admire, d'aller le voir dans sa maison des bois, de chiper sa sève pour créer à son tour quelque chose qui ressemble à de la poésie en images.

Puzzle, collage, constellation d'instants de tout et de rien, voilà à quoi tient cette mini-épopée burlesco-ésotérique, où l'on croise, outre Messagier, une brochette d'énergumènes plus ou moins barjos dont certains connus, comme le dandy parigot-new-yorkais Michel Bulteau ou l'inclassable trublion Pierre Péchin. En quête des quatre saisons et d'un pré magique,
Nicola Sornaga fête une myriade d'idées et de sensations, avec les moyens du bord, empruntant vélo, auto, bateau, un peu ivre forcément. Il prend aussi une micheline, lors d'une séquence féerique en Suisse, où l'auteur monte chercher des fleurs rares et croise l'amour en la personne d'une Russe mutine (Dinara Droukarova).

Il y a une forme d'innocence retrouvée dans l'élan de Sornaga. Un sens aigu de la correspondance et des réminiscences, qui réveille d'autres films, d'autres époques. Là, dans le murmure de la voix, on croit entendre un écho de la Nouvelle Vague ; ici, ce sont des fantômes d'écrivains du XIXe ; plus loin, le cinéma des origines. Des images étonnantes surgissent sans prévenir, de flore ou de faune, arbres enlacés, hippopotames en suspension sous l'eau.

Tour est rendu léger, rien n'est fossilisé, même si des strates multiples affleurent. Glissés entre elles, en fulgurances mates, il y a les mots de Messagier. "Je voudrais écrire comme dormir et qu'à la fin rien ne traîne."

 

Jacques Morice

Le Dernier des immobiles, film de 1h43 (2004). Réalisation Nicola Sornaga. Avec Matthieu Messagier, Nicola Sornaga, Dinara Droukarova, Michel Bulteau, Jacques Ferry.

10:35 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)

28/09/2016

"Extérieur nuit" de Jacques Bral

On est en 1978. Amer anniversaire : dix ans après mai 68, il ne reste plus grand chose, sinon un sentiment de vague à l’âme. À l’élan collectif succède la dérive en solitaire. Jacques Bral filme dans la capitale la balade de trois orphelins. Léo (Gérard Lanvin), beau mec ombrageux qui joue du sax, s’incruste chez Bony (André Dussollier), un vieux pote rêveur qui écrit sans écrire. Les deux se sont connus sur les barricades. Maintenant, ils glandent, picolent pas mal. Sur leur chemin, ils croisent Cora (Christine Boisson), jeune chauffeur de taxi, amazone insaisissable qui braque parfois ses clients. Son utopie à elle, c’est l’Argentine, qu’elle voudrait rejoindre.
Un ton libre, une musique bluesy-jazzy mâtinée de tango, une atmosphère nébuleuse : voilà ce qui fit le prix d’Extérieur nuit, lors de sa sortie en 1980, où l’on attendait un nouveau souffle de cinéma. Jacques Bral, grand sentimental, auteur secret (Polar, Un printemps à Paris), mettait du baume au cœur des cinéphiles avec ce film pourtant traversé par le froid de l’hiver. Aujourd’hui, ses dialogues en suspens et ses dérobades incessantes paraissent un peu forcés. Mais on aime toujours sa vision de la nuit. Bral montre un Paris différent, tantôt chaleureux, tantôt fantomatique, du côté des 19e et 20e arrondissements. De la piaule aux troquets fréquentés par les immigrés, des boulevards de ceinture mouillés à une cave de château, le film furète. André Dussollier y cultive avec brio l’art du décalage, tandis que Gérard Lanvin séduit à l’instinct. Et puis il y a la révélation Christine Boisson, garçonne sexy, démarche d’effrontée, et un atout unique : cette tache mystérieuse tout près de la pupille droite.

                                                                         Jacques Morice

23:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)