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29/09/2021

Shirley Carcassonne illustre Roger Giroux

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              (Reine d'aller, jadis
              Et, plus proche que toutes,
              Être soi-même le désir,
              Elle disait je viens,
              Comme on dresse les fleurs,
              Par soudaine clarté :


              Cette chambre où je suis,
              D'un matin idéal...)

 

Roger Giroux in L'arbre le temps,
Mercure de France 30/4/1964

17:49 Publié dans Arts, Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

28/09/2021

"Rien n'est jamais fini" : Jean-Claude Brisville, éditions de Fallois, janvier 2009, 210 pages, 18 €

Autoportrait de Valéry à la BnF.
L'oreille monstrueuse, le regard torve, la bouche amère. Où est le ravissement de Narcisse ? Dessin intitulé par son auteur : "Un affreux type."

*

Michel Schneider écrit : "En psychanalyse, la vérité ne passe pas dans ce que disent les patients, mais dans une certaine disposition du corps, dans une manière de se présenter, de s'asseoir, de regarder ou non."
Ce que l'on dit de soi serait donc moins révélateur que ce que l'on donne à voir de soi.
Combien de ceux qui tiennent leur journal s'en doutent-ils ?

*

Mais moi, Narcisse aimé, je ne suis curieux
Que de ma seule essence...

Qui regarde Narcisse se regarder en apprend sur lui davantage.
Et Pessoa :
... mon propre visage qui me regarde en train de me contempler.

*

En 1963 ou 1964, chez Julliard, Gisèle d'Assailly, la veuve de René, me demande de mettre en fabrication le premier roman de la femme d'un haut magistrat qu'elle se devait d'obliger. Je suis donc dispensé de le lire. Un jour, peu avant sa parution, ma secrétaire m'annonce que la dame est là, venue sans prévenir, qu'elle voudrait me voir, que je lui parle de son livre. Dès son entrée, je vais vers elle, mains tendues : "Que vous dire, Madame ? Les mots me manquent. Votre ouvrage se situe très au-delà de la littérature."
La dame n'en demandait pas plus. Quand le livre paraît, je m'aperçois qu'elle me l'a dédié.

*

Extrême susceptibilité des gens de lettres. La moindre réserve dans l'éloge les assombrit, et la juste critique, quand ils veulent en convenir, les désespère.
Seule l'admiration silencieuse, souffle coupé, assorti de la mine de circonstance, les comble.

*

Ne jamais oublier que l'homme de lettres pense toujours de son ouvrage bien plus de bien qu'on n'en pourra lui dire.


Jean-Claude Brisville

12:53 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

25/09/2021

Odysseus Elytis, vu par Vassilis Alexakis  

   Le poète grec Odysseus Elytis, Prix Nobel de littérature en 1979, est mort le 18 mars 1996 à son domicile athénien, des suites d’une crise cardiaque. Il était âgé de quatre-vingt-quatre ans. 
    Avec la disparition d’Odysseus Elytis s’achève un des chapitres les plus brillants de la poésie grecque. Il était le cadet d’une génération exceptionnelle, qui compte dans ses rangs Georges Séféris (1900-1971), qui reçut lui aussi le Prix Nobel en 1963, Yannis Ritsos (1909-1990), bien d’autres encore, comme Andréas Embiricos (1901-1975) qu’on commence seulement à découvrir en France. Ces poètes ont fait éclater le cadre désuet où la poésie grecque ressassait sa mélancolie au lendemain de la première guerre mondiale et l’ont sortie au grand air. Ils lui ont fait vivre les heures tragiques que traversait leur pays et le monde, ils lui ont fait découvrir la psychanalyse et le surréalisme, ils l’ont rendue à la fois plus grave et plus légère, plus belle en somme. On retrouve chez la plupart d’entre ces poètes la même ouverture d’esprit à l’égard des cultures étrangères et la même volonté de créer une œuvre profondément grecque. 
    Elytis a effectué plusieurs séjours en France, a connu les surréalistes, qui l’ont nettement influencé, a traduit Rimbaud, Lautréamont, Eluard, Jouve, Genet, Giraudoux, Brecht. Séféris note que le dialogue fait partie de la culture grecque. Chacun de ces poètes parle cependant d’une Grèce différente. Ritsos évoque un pays meurtri par les conflits politiques et sociaux. La Grèce de Séféris est hantée par son passé. Elytis, lui, a choisi de décrypter la beauté des îles et de la mer grecques. Ce n’est pas surprenant dans la mesure où, issu d’une famille originaire de Mytilène, né en Crête - le 2 novembre 1911 -, il était en quelque sorte deux fois insulaire. La mer Egée est omniprésente dans ses premiers recueils, Orientations (1939) et Soleil premier (1943). Il voit les îles se soulever au son d’une musique, il aperçoit un marin qui fait flotter au vent une chanson, il voit un papillon "plus blanc que la petite branche blanche du bout de nos rêves".
    Il remodèle, réinvente le paysage, le fait basculer pour saisir une autre beauté, pour trouver une autre perspective. Il explore les îles en amoureux, "Le Corps de l’été" (c’est le titre de l’un de ses poèmes) étant le corps d’une femme. Le caractère euphorique de ses premières œuvres constitue selon Mario Vitti, "quelque chose d’absolument nouveau" dans les lettres grecques. 

 La guerre lui impose un autre décor, d’autres images. Elle ajoute une nouvelle dimension à sa poésie. Il évoque le conflit gréco-italien auquel il participe (Chant héroïque et funèbre pour le sous-lieutenant tombé en Albanie, 1945), puis le destin même du peuple grec dans Axion esti (1959), son œuvre maîtresse. Remarquable par l’ampleur et la rigueur de sa construction, Axion esti l’est aussi par la richesse de sa langue (le poète entend utiliser toutes les ressources du grec, de la langue de Sapho au grec d‘aujourd’hui) et la variété de ses rythmes, qui rappellent parfois la chanson populaire, parfois les hymnes de l’Eglise orthodoxe. Elytis semble avoir une prédilection pour ces derniers, tant il est vrai que l’itinéraire de son pays le fait penser à un chemin de croix. L’œuvre n’est pas sombre pourtant : une foule de saintes veillent sur le sort de la Grèce, qui ont pour nom Santorin, Ios, Sifnos, Ithaque… Mikis Theodorakis, en mettant plusieurs poèmes en musique, a contribué à rendre populaire cette œuvre difficile. 
    En 1960, Elytis publie un petit recueil, Six plus un remords pour le ciel, où l’on retrouve un peu de son allégresse d’antan : "Ô été de lin, judicieux automne,/ Hiver intime,/ La vie dépose l’obole de la feuille d’olivier/ Et d’un simple petit grillon dans la nuit des insensés déclare/ à nouveau légitime l’inespéré."
   Il a fait paraître par la suite un important volume d’essais (Papiers ouverts, 1974), des pages de son journal ("J'ai entièrement dépensé le pourcentage de la beauté qui me revenait") et une dizaine de recueils, parmi lesquels Marie des brumes (1978), mis en musique par la chanteuse Angélique Ionatos, et Le Petit Matelot (1985), qui rassemble des textes et des poèmes écrits sous la dictature des colonels. Aux brefs rappels des crimes commis par le pouvoir au cours de l’Histoire, qui claquent comme des coups de fouet, répond la quête d’une innocence capable de laver le sang versé. Une fois de plus, le poète se tourne vers la mer.
   À vrai dire, on a l’impression qu’il ne l’a jamais perdue de vue. Le regard qu’il portait sur elle était à la fois mystique et païen. Elle fut sa maîtresse, et autre chose à la fois, et beaucoup plus. Elle lui a appris à prononcer la beauté du monde. 

Vassilis Alexakis 

___________________ 

* Plusieurs recueils ont été traduits en Français, notamment par Xavier Bordes et Robert Longueville. Parmi ceux-ci : Les Clepsydres de l’inconnu (Fata Morgana, 1981) Marie des brumes (La Découverte, 1982) ; Les Analogies de la lumière, extraits de l’ensemble de son œuvre (Sud, 1983) ; Axion esti (Gallimard, 1987). La revue Aporie (669 route du Colombier 83760 Le Revest-les-Eaux) lui a consacré un numéro spécial en mars 1986. "Le Monde des livres" a publié deux entretiens sur le poète, le 9 janvier 1976 et le 26 octobre 1979. 

23:43 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)