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09/11/2020

Editorial du numéro 77 de "Diérèse" : Alain Duault

Le sens de la poésie


La poésie est comme le ciel, immense et changeante. Comme le ciel elle peut apparaître bleue, transparente, vaste interrogation sans fin ouverte sur un rien qui n’est pas rien, ouverte sur une "transcendance". Ou chargée de signes, de nuages, de questions sans fin elles aussi. Elle délivre en fait le témoignage exacerbé d’un sentiment de la langue qui s’apparente à cette course incessante du temps que semblent figurer les nuages cherchant un sens dans le ciel. Comme si le passage des nuages inscrivait une durée dans le battement infini du temps. Pour y ouvrir quel sens ?
Il y a de l’inexplicable dans notre monde infini mais nous pouvons aimer cet inexplicable : c’est là que s’inscrit le geste accompli par la poésie, cette sublimation de l’instant qui nous rend présents au monde au-delà de la compréhension même. Angelus Silesius écrit : "La rose est sans pourquoi, / Fleurit parce qu’elle fleurit, / Sans souci d’elle-même / Ni désir d’être vue". Ce quatrain célèbre "éclaire" ce qu’est la beauté dans la poésie – sans pourtant élucider ce mystère. Peut-être même l’accroit-il mais le mystère est aussi un des chemin de la connaissance esthétique. Souvenons-nous de la phrase d’Einstein : "Le plus beau sentiment du monde, c’est le sens du mystère". Peut-être parce que la poésie, comme la beauté, ne résout rien : elle n’est pas là pour ça ! Et nous demeurons toujours obscurs à nous-mêmes. La poésie, alors, nous invite en son jardin obscur.
En fait, la poésie ne répond pas quand on l’appelle mais questionne toujours ce qui apparaît : elle ne croit pas, elle guette – et c’est pourquoi le poète est bien ce "guetteur mélancolique" : avec sa langue pour tout bagage, il arpente la vie et la mort, toutes les vies qu’il croise et noue, il est au milieu de la toile, rien ne doit lui échapper même (et surtout) quand le sommeil brûle ses paupières. Il est aux aguets, il observe et creuse la nuit immémoriale, il tente d’écouter mieux, au-delà de la rumeur du monde, de donner des couleurs aux ombres, de dessiner des cartes pour avancer à tâtons dans notre obscurité-de-vivre.

C’est cette douloureuse obsession d’une intimité à dévoiler qui fait de la poésie un froissement discret mais interminable par essence – car cette intimité résiste au dévoilement. La poésie n’est pas la même pour tous et pour chacun : la nuit est son tamis dans la fièvre orpailleuse. Elle livre des combats comme ceux que Van Gogh livrait à la lumière. Elle nous parle de nous ou d’un autre qui doute de nous. Elle n’aspire qu’à tendre à chacun une lame pour fouiller encore cette chair ancienne qui tremble. Elle veut réveiller l’abandon, écarteler la langue obscure qui n’avoue pas, approcher la beauté, ce qu’elle a de fragile. Elle cherche la manière – car elle sait que pour tutoyer les dieux, il ne faut pas leur parler trop fort.
En fait, le poète se pense comme un voyeur d’effondrements alors qu’il est un ingénieur des rêves. C’est dans cet entre-deux de l’être et du vouloir qu’il continue de voyager avec la langue, de témoigner de son époque et de sa vie – fût-elle une illusion. Car la poésie passe par ces expériences, la mort, la rage, la lecture, la contemplation, la marche, la rencontre, le soir et le matin, le silence des mots, l’importance d’un brin d’herbe, l’élan de l’animal, son souffle, le désir, la peau, les couleurs, la mélodie des choses que décrit Rainer Maria Rilke : "Que tu sois environné par le chant d’une lampe ou par la voix de la tempête, par le souffle du soir ou le gémissement de la mer, toujours veille derrière toi une vaste mélodie, tissée de mille voix, où de temps à autre seulement ton solo trouve place". Elle s’interroge sur le qu’est-ce que "une forêt, une prairie, une rivière, un visage. Elle cherche du sens jusque dans l’insensé, l’excès, la chair du ciel. Elle se fait un monde de tout. Mais est-ce un monde où habiter ? Bien sûr, Hölderlin dit qu’"il faut habiter poétiquement le monde" – mais comment ?
Si la poésie a un sens, il faut le chercher dans tous ces feux qui brillent sur la mer de nos nuits.


Alain Duault

28/09/2019

Les "Bonnes Feuilles" de Diérèse 77

Bonjour à toutes et à tous,

J'en ai presque terminé avec la maquette de la prochaine livraison de Diérèse, qui comptera 324 pages comme le numéro 76.

Voici les titres des 38 livres ou recueils qui y seront commentés. Un grand merci à tous les contributeurs. Amitiés partagées, Daniel Martinez :

Béatrice Marchal, Au pied de la cascade, encres de Jean-Marc Brunet, L’Herbe qui tremble, 2019
Sylvie Fabre G. : Pays perdu d’avance, peintures de Fabrice Rebeyrolle, L’Herbe qui tremble, 2019
Richard Rognet, La jambe coupée d’Arthur Rimbaud, éditions L’herbe qui tremble, 2019
Pierre Dhainaut, Après, éditions L’Herbe qui tremble, 2019
Isabelle Lévesque, Chemin des centaurées, éditions L’Herbe qui tremble, 2019
Matt Mahlen, Beyrouth, Liban rouge et blanc, Le Contentieux, 2018
Jacques Lucchesi, Ténèbres d’août, Le Contentieux, 2019
Robert Roman, Gérard Lemaire un poète à hauteur d’homme, Le Contentieux, 2019
Frédéric Ducom, Wata, éditions Alcyone, 2018
Éric Barbier, D’un silence inachevé, éditions Alcyone, 2017
Antoine Émaz, Passants, éditions Unes, 2017
Raphaële George, Les nuits échangées, éditions Unes, 2018
Pierre Mironer, Les Champs Auriculaires, éditions La Porte, 2018
Pierre Dhainaut, Quatre éléments plus un, éditions La Porte, 2019
Daniel Brochard, L’éternel recommencement – Talmont – Les Sables 2016-2017, éditions du Petit Pavé
Claude Cailleau, Anthologie poétique (1956-1970 et 1999-2018), éd. du Petit Pavé, 2019
Monique Saint-Julia, Images d’Irlande. Éditions de l’Aire, 2019
Gérard Pfister, Ce qui n’a pas de nom, Arfuyen, 2019
Céline Debayle, Baudelaire et Apollonie, Arléa, Paris, 2019
Flora Delalande et Léonard Pietri, On dit que Dieu n’habite plus là, Copymedia, 2018
Didier et Karine Giroud-Piffoz, Le mystère du Gué Gorand, Ella éditions, 2018
Charles Akopian, Ressacs, Encres Vives, 2019
Bernard Pignero, Solitudes partagées, Encretoile éditions, 2019.
Gérard Titus-Carmel, Un rêve en éclats, éd. Fata Morgana, 2018
Yves Leclair, L’Autre vie, éditions Gallimard, 2019
Zéno Bianu & Odradeck, Cantique des cantiques, Songes de Léonard Cohen, éditions de L'Improbable, 2019
Anne-Lise Blanchard, Épitomé du mort et du vif, éd. Jacques André, 2019
Jean-Luc Coudray, Carnaval (textes), peintures de Jonathan Bougard, éditions du Petit Véhicule, 2019
Patricia Castex Menier, Chroniques incertaines, éditions Petra, 2019
Patricia Castex Menier, C’est si simple un poème, illustrations de Joël Pampin, éditions Pippa, 2019
Louis Savary, Jeter l’encre - éditions les Presses Littéraires
Jean-Pierre Chambon, photographies de Christiane Sintès, Un écart de conscience, Le Réalgar (collection l’Orpiment), 2019
Jeanne Cressanges, Un père en héritage, Serge Domini éditeur, 2019
Alexandre Voisard, Ajours suivi de Médaillons, éditions Le Taillis Pré, 2017
Didier Ayres, Néant, Tarabuste, 2019
Gérard Le Gouic, Poèmes choisis, éditions Tawbad
Gérard Mottet, Dans les plis du silence, poèmes de la nuit, éditions Unicité, 2019
Marc Alyn, T’ang l’obscur - Mémorial de l’encre, Encres de T’ang Haywen, éditions Voix d’encre

28/07/2019

Claude Albarède sera des nôtres in Diérèse 77

Entames

 

            Œuvre de poésie

            qui déchire ou attache

            en s’éloignant

            rapproche.

 

            Œuvre en cours d’effusion

            effleurements griffures

            la source mord la pierre

 

            Là un chemin s’échappe

            une fissure exprime

            ce qui viendra peut-être

 

            après l’entame écrite.

 

Claude Albarède