241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/04/2021

Le numéro 79 de "Diérèse" commenté par Christian Degoutte, in "Verso" opus 184, mars 2021

VOYAGES, c'est comme ça que j'aurais soustitulé le n° 79 de DIÉRÈSE, me disais-je. C'est que Daniel Martinez est comme notre Alain Wexler, il donne un titre à chaque numéro de sa revue. Donc ce n° 79 c'est POINTS D'ESCALE : bah, j'étais encore dans le transport quand les poètes étaient déjà rendus. Emmanuel Merle est en Grèce "Éclairés par une bougie posée derrière eux / les pots en verre brasillent leur confiture / leurs olives et leur miel / lampions échappés pour la nuit de la baie électrifiée / tout en bas." Égée lui parle "ce pays cette langue où le duel / n'est pas un combat mais une alliance". Paul Cabanel lui répond "La mer s'est posée sur la langue d'Homère / vol d'oiseaux prenant la pose / tel un bouquet d'ombelles...". Alain Duault est "Pierre Loti / Remontant le Mékong vers Phnom Penh et Angkor / Dans la douceur émolliente bleue d'un air immobile / Je suis loin de moi... / J'invente l'éternité". Frédéric Chef est à Hambourg, à Stockholm, à Naples, à Pompéi "parmi les foules des survivants touristes / et autres voyeurs au creux du soleil cru / il est des jours où se voir vivre est triste". Daniel Martinez donne un JOURNAL INDIEN "Le frigo du pauvre : jarres, cruches de couleur ocre ou grise et plus ou moins pansues, où l'eau reste fraîche. Plus loin, avec toute l'attention requise : transportés à bicyclette, des bidons de lait, percussions légères." Béatrice Marchal fait cet autre sorte de voyage : "Croire qu'au fond du malheur, il est une autre porte / entr'ouverte dans le silence / derrière il y a des mots aux vertus / de clair de lune". C'est ce même voyage qui interroge Max Alhau "Sait-on quand se termine le voyage ? / les paysages dévoyés / les pas effacés par la pluie... / ... même après nous, abandonnés en cours de route / l'oubli nous est restitué." Louise Moaty avec des extraits de À la métamorphose publié depuis dans "Polder/Décharge". Pour Vincent Courtois, le voyage c'est "Se dégager des formes / Retrouver le seuil / Ce qui passe / Ce qui dépasse / Le roi sans sujet / L'aventure / De soi-même". Lionel-Édouard Martin est au pays de ceux qui sont partis "Marbre & granit de la mort proche / on marche l’œil aux épitaphes / déchiffre les défunts, le gravier crisse...". Il y a enfin ceux dont le nom seul est déjà un voyage : Fritz Deppert de Darmstadt (traduction de Joël Vincent), Xu Zhimo (traduction de Guomei Chen). Dans ce même numéro : Gérard Le Gouic, Isabelle Lévesque "pour les chevaliers / qui rattrapent le temps / - l'enjambée", Alexis Bardini (publié depuis chez Gallimard), Sophie Grenaud, Muriel Carminati... et Daniel Martinez qui écrit dans son édito "Ne nous méprenons pas : il n'existe pas de simple rapport de sujet à objet entre l'auteur et l'écrit. Le scripteur entre dans le corps du texte, fusionne avec lui...". + des études des œuvres de Béatrice Marchal, Jean-Paul Bota, Armand Robin... + de nombreuses notes de lecture...


Christian Degoutte

DIÉRÈSE 79 : 15 €, 320 p., Daniel Martinez, 8 avenue Hoche, 77330 Ozoir-la-Ferrière. http://diereseetlesdeux-siciles.hautetfort.com

29/04/2021

"Du sens de l'absence", de Claude Louis-Combet, éditions Lettres Vives, février 1985, 64 pages, 55 F.

Un monde qui aurait été habité, il y a très longtemps de cela, et qui aurait connu, en son temps, activité, prospérité, fécondité...un monde jadis gros de lui-même et de son bonheur édifié dans l'assurance d'une tranquille inconscience... un paradis, en quelque sorte.

De cet extrême passé, on ne saurait strictement rien dire. On ne le connaît - ou plutôt on ne l'imagine - que par défaut, parce que nous vivons entourés de choses qui, toutes, nous renvoient à cet au-delà de tous les possibles sensibles et sensuels, en même temps qu'elles nous confirment dans notre juste place : ce moment désertique où s'absorbe notre vie comme toute vie. C'est de là, en effet, de cette terre sans eau ni relief, que nous pensons notre destin. C'est de là, sur ces zones qui, pour être frontalières, n'en sont pas moins infinies, que nous découvrons, en même temps que notre rigoureuse finitude, notre vocation à l'absence.

Il n'est pas de chose, si banale et si humble soit-elle, qui ne puisse, à un certain moment, figurer concrètement et symboliquement notre radicale désertion de l'être - non seulement parce que notre rapport aux choses est, nécessairement, de l'ordre de l'extériorité (de la contiguïté, de la juxtaposition...) mais parce que, dans leurs formes (esthétiques) comme dans leurs fonctions (pratiques), les choses désignent toujours l'au-delà de ce que nous sommes. Il suffit, pour le découvrir, de pratiquer l'inattention.

C'est dans le moment où la chose, manifestement, ne sert à rien, qu'elle accède à son statut de réalité éminemment significatrice de notre indigence ontologique - nous indiquant, à l'instar d'un doigt, qui serait le doigt de Dieu pointé sur chacune de ses créatures, le creux absolu qu'elle porte en elle, et avouant, par là même, que, dans sa compacité traficable, elle n'est jamais que la surface contingente et muable de ce qu'elle prétend être ou de ce que nous avons décidé, une fois pour toutes, qu'elle doit être.


 Claude Louis-Combet

20:08 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

28/04/2021

"Fables pour ne pas", de Bernard Noël, vignette de couv. C.G. Guez Ricord, éd. Unes, 96 pages, 19/11/1985

                                                   La clef
                                                   Où est la clef ?
                                                   Les insectes se la passent
                                                   Les balais la balaient

                                                   Henri Michaux.

Fable des mots nés


       il s'est vêtu de papier
       l'homme noir

       il a sué sa poussière

       il a dit
       maintenant
       lisez

 

       la terre a produit
       des mots

       les mots ont produit des mots

       le bout du monde
       a poussé au bout de la langue

       tout s'est couvert
       d'une peau de temps

 

       il y a eu l'avant

       il y a eu l'après

       et la vie de derrière le dos
       et la vie de devant les yeux

       on a perdu le milieu

 

       qu'arrive-t-il
       disait-on

       le soleil est une mouche
       qui laisse des pattes partout

       on prend le frais
       à l'ombre des lettres

 

       alors
       la
       vie
       est
       devenue
       le
       mot
       manquant


Bernard Noël

P. POEME 1 ROGNET 1.jpg

Dessin de Pacôme Yerma

20:08 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)