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15/01/2021

"Le Temps des yeux"

Première lettre à Gaëlle

Sa bouche qui ne souffle mot qui vaille
est une offrande à la beauté pure
aux chuchotis des épicéas près de l'onde où celle
qui lui a donné le jour ce dix juin

ouvre vingt virelais de nacre
la comblant du lait qu’elle pressent
passe-velours auquel rien ne défaut

Mêlant mes gestes et ma pensée
les lignes de ses doigts silhouettent 
les premiers instants du monde
griffés de la sève des lys
sur ma feuille

un sentier visible à peine court
jusques on ne sait trop où
et le temps sans mesure s’offre

à celle qui dans mes bras s’endort
comme à plaisir s'enfièvre le couchant
çà et là en ces lieux villageois

 

Daniel Martinez

Le Temps des yeux, Daniel Martinez, éd. Le Lavoir-Saint-Martin (nov. 2016)

02:49 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

01/12/2020

"Haïkaï du jardin", Louis Calaferte, L'Arpenteur, 22 mars 1991, 132 pages

SCANN L CALAFERTE.jpgGérard Bourgadier, qui dirigeait alors la collection L'Arpenteur chez Gallimard, connaissait Louis Calaferte : c'étaient de vrais amis, qui partagèrent bien des secrets. 

Une halte dans l'été d'un jardin de Bourgogne, voilà qui a parlé tout autant à G. Bourgadier le lisant qu'à Louis Calaferte écrivant ce livre de haïkaï. Haïkaï : pas au sens strict du terme, mais "n'en respectant que la substance", comme : "Le bourdon bleu / sur le grenat ardent du géranium", ou : "Fuseaux carminés / des fuchsias / Ronde de baigneuses renversées / autour du feuillage austère". Des fleurs qu'il s'est choisi, au sol qui les porte : "Ce soir au jardin / odeur animale de la terre mouillée", encore : "Terre brune / aux indécises dentelles d'argent". Le ciel, aussi : ce que Lorca nomme "l'ombre / d'un cyprès / sur le vent", lui qui conclut, dans le poème "Sésame" : "Le reflet / est le réel."

Quand il s'agit pour le poète d'aller par la langue au plus près de la nature environnante, qui n'a nul besoin d'artifices ni d'être embellie ; d'aller au-devant des choses, d'en saisir la figure et le souffle, mais aussi de laisser, au travers d'une scène, d'un paysage, l'idée affleurer, et inversement. Reflet intérieur de la chose qui se manifeste en tant que telle, toujours en souffrance de traduction. Sachant que les choses privés de conscience sont riches de beautés signifiantes, le dire du poète dépasse la simple parole explicite, il recompose la Nature selon l'image qu'il s'en fait, première... Deux vers mémorables, par la qualité de restitution de l'auteur, sa sympathie avec les particules, reflet d'une fusion avec les êtres et les choses : "Coutellerie du rudbeckia rose / grand samouraï impassible".

Comme la poésie de Louis Calaferte cristallise le ressenti - où sons, visions, odeurs, sentiments se mêlent et se répondent, dans un quotidien simple, étranger à tout pittoresque -, elle suit le rythme des journées : "Volet ouvert/fraîcheur laiteuse du matin", pour aller insensiblement vers "L'air sucré / du soir". Et les impressions induites ne sont ni rêves ni pensées à proprement parler, mais celles d'un poète se déplaçant lentement dans un ici et maintenant fragile, que l'écriture tente d'éterniser. C'est la dimension à laquelle les mots du poème devraient toujours tendre.

                                                                                                Daniel Martinez

22:14 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)

15/10/2020

"Trésor de la poésie populaire", éditions Guilde du Livre et Seghers, 15/10/1954, couverture toilée illustrée, 470 pages, 8000 exemplaires HC

DEVINETTES


- Qu'est-ce qui, allant au bois, regarde vers la maison et en allant à la maison regarde vers le bois ?
- Les cornes de la chèvre.

- Quelle est la chose qui a fait le tour du monde ?
- La lune.

- Une chambre blanche toute brodée fermée sans clef, qu'est-ce que c'est ?
- L’œuf.

- Qu'est-ce qui chante le jour et dort la nuit ?
- Le soufflet.

- Il pique, pique, et n'est pas du poivre (ou du piment) ; il a des barbes et n'est pas un homme. Qu'est-ce que c'est ?
- L'ail.

- Qu'est-ce qui n'a jamais été et ne sera jamais ?
- Le nid d'une souris dans l'oreille d'un chat.

- Dans une chambre quatre dames qui ne peuvent sortir. Qu'est-ce que c'est ?
- La noix.

- Qu'est-ce qui passe au-dessus d'un bois sans faire d'ombre ?
- Le son de la cloche.

- Qu'est-ce qui est mort et qui danse encore ?
- La feuille de l'arbre.

- Qui est-ce qui chante en descendant et qui pleure en remontant ?
- Le seau dans le puits.

- Diriez-vous bien...
Ce qui est plus petit
Que la queue d'un' souris
Et qui fait le roi joli ?
- L'aiguille.

- Branli, branlant,
Rose rouge au mitan ?
- Une lanterne que l'on promène.

- Qu'est-ce qui monte au ciel
Sans ailes et sans échelle ?
- La fumée.

- Qui passe dans les feuilles sans les remuer ?
- Le soleil.

- Qu'est-ce qui traverse puy et combe
Sans faire d'ombre ?
- Le son de la cloche.

- Qu'est-ce qui a tant d'ailes et qui ne peut voler ?
- Un livre.

- Rapiécé, rapetassé,
Jamais l'aiguille n'y a passé ?
- Un ciel nuageux.

- Parle sans bouche, court sans jambes, frappe sans mains, passe sans paraître ?
- Le vent.

02:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)